Comment l’image de la girouette ne viendrait-elle pas à l’esprit quand l’instabilité de l’électorat québécois atteint les sommets dont parle André Pratte ? Au départ, engouement tel pour l’Action démocratique de Mario Dumont qu’on l’autorise à distribuer les fauteuils de ministres. Puis, fragmentation qui casse le Québec en quatre parts à peu près égales : Parti québécois, Parti libéral, Action démocratique et électeurs discrets. Puis, virage impensable quand le Parti québécois reprend la tête. Ultime renversement en fin de campagne : Jean Charest et son parti remportent l’élection de 2003 et renvoient le Parti québécois à ses pires résultats en trente ans.
Problème bien posé et auquel André Pratte, toujours sérieux et d’esprit ouvert, s’attaque à la manière du diariste qui abandonnerait la scène publique aux éditoriaux et se permettrait un ton plus intimiste. La conclusion décevra : « Chose certaine, écrit-il après 200 pages de montagnes russes, plus on y réfléchit, plus on réalise qu’à l’inverse de la perception initiale, les électeurs québécois ne se sont pas du tout comportés comme des girouettes… […] Au contraire, les Québécois savaient ce qu’ils voulaient. Simplement, ils cherchaient comment, par qui l’exprimer. » Difficile de ne pas demander à l’auteur si un délai de quinze jours n’aurait pas conduit au choix d’un autre véhicule et si son titre n’est pas plus juste que sa conclusion.
À son habitude, André Pratte séduit par sa sincérité, par son évidente bonne foi plus que par l’originalité ou le caractère pénétrant de l’analyse. Il s’efforce de tout vérifier, mais l’intuition est rarement au poste. Il croit encore à l’objectivité des journalistes, ce qui, on l’admettra, révèle une assez résistante candeur. André Pratte lui-même, dont l’honnêteté ne saurait être mise en doute, professe, en effet, des idées aussi défendables que discutables à propos du nationalisme, du financement des soins de santé, du calibre des journaux modernes… Honnêteté, oui, pas objectivité.