L’auteure de ce premier essai d’envergure sur l’œuvre de Dany Laferrière est autrichienne. Professeure de philologie romane, elle dirige le Centre d’études canadiennes et le Centre d’études de la chanson québécoise de l’Université d’Innsbruck. Son travail est remarquablement sérieux et exhaustif. Ursula Mathis-Moser semble avoir colligé tout ce qui s’est écrit sur Dany Laferrière et puise abondamment à ces sources pour étayer son propos qui consiste en l’analyse de ce qu’il est convenu d’appeler l’« autobiographie américaine » de l’écrivain, soit la série de dix œuvres qui commence avec Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer (1985) et se termine avec Le cri des oiseaux fous (2000). L’angle par lequel l’essayiste aborde son sujet est celui de la dérive : dérive des lieux (Haïti, Montréal) et dérive du temps (l’immédiat, la mémoire). Elle s’attarde aussi à d’autres aspects de l’œuvre laferrienne, tels la transgression des genres, l’intertextualité, l’autofiction, le mélange entre littérature et peinture, entre littérature et musique.
Que l’emploi de ces quelques termes spécialisés ne déroute pas le lecteur : Ursula Mathis-Moser n’abuse nullement du jargon universitaire et elle prend la peine de définir les concepts qu’elle utilise. Son essai se lit comme un roman et de surcroît il donne envie de reprendre l’un après l’autre tous les livres de Dany Laferrière pour mieux saisir leur appartenance à un projet global.