Nous sommes tous handicapés. La différence pour un handicapé physique, c’est qu’il ne peut pas le nier aussi longtemps que les autres. Aussi, dans cette autobiographie, Claude Messier ne cache-t-il jamais son état. Avant de faire l’amour, sa blonde doit le porter. « Enfin presque nue, elle me prit dans ses bras pour me déposer sur le sol. » Quant à la façon de passer à l’acte, mon Dieu, ça ressemble étrangement à ce que l’on fait vous et moi, dystonie musculaire ou pas.
Voilà d’ailleurs qui résume bien l’ensemble du récit, où la condition de « dépendant physique » est toujours présente, mais où il s’agit d’abord de la vie d’un type qui a des amis, des amours, des conflits, des obstacles, des moments de victoire et d’autres de désespoir.
Le message de l’auteur passe très efficacement, notamment dans les quelques scènes où il décrit le comportement des préposés qui le traitent comme un enfant dans les centres de soins ou dans les camps de vacances adaptés. L’incongruité frappe tout de suite le lecteur, qui a vu le narrateur voyager, écrire, chercher des subventions, faire la fête avec ses amis, et qui constate soudainement cette discordance entre la vie réelle des handicapés et la perception bornée qu’en a souvent leur entourage, y compris ceux qui ont pour métier de s’occuper d’eux.
Sans éblouir par sa richesse ou son originalité, le style est clair, vivant et intime. Plutôt linéaire, d’accord, mais quoi ! c’est le récit d’une vie. La première pièce de théâtre qu’il a montée, ses démarches pour se faire publier, ses déboires avec la drogue, ses démêlés avec l’hôpital Saint-Charles-Borromée, où la qualité des soins ne répond pas aux normes, son combat pour faire reconnaître la valeur thérapeutique de la marijuana, sa douleur physique…
Personne ne choisit son destin. Il en est cependant pour qui le sort semble plus cruel que pour d’autres. Claude Messier n’a jamais marché. Le récit de sa petite enfance et des hypothèses de ses parents, des médecins et de son entourage à cet égard est particulièrement touchant. De même que l’épilogue, où il nous annonce qu’à la mi-trentaine, il prend les mesures nécessaires pour quitter bientôt ce corps qui ne peut plus le suivre.