Le titre, un peu mièvre, du dernier roman de Philippe Sollers pouvait éveiller les craintes. Les fidèles sollersiens peuvent se réjouir : l’auteur de Femmescontinue imperturbablement à promouvoir un art de vivre qui rime avec volupté, gratuité, et souveraineté.
Aristocrate et frondeur, le narrateur de L’étoile des amants s’est retiré sur une île en compagnie d’une jeune femme, Maud. Ils ne font rien, sinon multiplier les petites extases en maintenant tous leurs sens en éveil : « Écoute, regarde, sens, touche, bois, respire ». Ce retrait de l’enfer social permet de jeter un regard sans complaisance sur le théâtre médiatico-littéraire, dont Philippe Sollers lui-même est d’ailleurs l’un des plus habiles comédiens.
Ce programme, l’auteur le décline depuis de nombreuses années, dans ses romans comme dans ses essais. En lisant certaines pages de L’étoile des amants, on a d’ailleurs moins l’impression de lire un roman que la suite de La guerre du goûtou d’Éloge de l’infini. Philippe Sollers se livre à une véritable démonstration : les citations dont regorge son texte doivent être lues comme des « preuves », à mettre sur le même plan que l’expérience vécue. Cela finit par agacer, surtout parce que l’argumentation manque parfois de finesse (en particulier, la caricature des éditions de Minuit ou de P.O.L). On se prend alors à considérer que la valeur de ce roman tient surtout à celle des textes cités et à la lecture magistrale qu’en fait l’écrivain.
Le mérite de ce livre, précisément, est de faire converger une multitude d’expériences singulières afin de montrer qu’elles se ramènent toutes à une même chose : « la jouissance d’exister ». En ce sens, L’étoile des amants est une invitation pressante à fuir « cette espèce de coupole sombre que constitue, par-dessus toute la respiration humaine, la venimeuse agression du mauvais esprit de la plupart des gens ».