Romancier, nouvelliste, metteur en scène, scénariste-dialoguiste, Jean Vautrin construit une œuvre multiforme à la hauteur de son talent. Il est récipiendaire de nombreux prix littéraires, dont le Prix Goncourt des lycéens en 1989 pour Un grand pas vers le Bon Dieu, le Prix Goncourt de la nouvelle en 1986 et le Prix Louis-Guilloux pour l’ensemble de son œuvre en 1999. Son plus récent roman, Le journal de Louise B., s’inscrit, sur le plan formel, au carrefour des différents genres qu’il a pratiqués à ce jour.
« Elle possède pour tout guide l’élan de son immense dégoût. » Ainsi débute le roman qui nous plonge d’emblée dans l’enfer de Louise A., jeune femme innocente, abusée par un père dont la lâcheté n’aura d’égale que la sauvagerie d’une bande de jeunes élèves – de surcroît ses élèves – qui l’agresseront un soir de fête. S’amorce alors la lente descente aux enfers, l’inéluctable mutation qui transformera Louise A. en une redoutable guerrière, à la fois justicière et vengeresse de toutes les femmes qui ont subi l’opprobre et l’humiliation de l’agression physique et morale. Le journal de Louise B. se donne à lire en tranches saccadées, chacune étant précédée d’un court résumé scénique, qui verse parfois dans un cynisme dévastateur, comme pour mieux traduire l’intolérable, l’inacceptable, et sans doute également pour maintenir le lecteur dans une position inconfortable devant cette plongée irréversible dans une folie meurtrière dont on ne peut que reconnaître la légitimité des motifs qui animent la soif de vengeance de Louise B. Pour mieux nous faire supporter l’insupportable, Jean Vautrin recourt avec habileté aux subterfuges stylistiques qui ont fait sa renommée comme auteur de polar, maniant les dialogues, les formules-chocs et la description des personnages secondaires avec une hardiesse ici salvatrice pour le lecteur. Sans aucun doute un roman dérangeant, mais qui vaut assurément le détour.