L’une des questions cruciales à laquelle est confrontée la modernité politique porte sur le problème des différences culturelles et de la reconnaissance qu’il convient de leur accorder. Comme le rappelle Janie Pélabay, les conceptions de l’identité et de la différence culturelles est loin d’être uniforme. Pourtant, une même valorisation de la différence est à l’uvre dans de nombreuses sociétés démocratiques libérales : les politiques de « discrimination positive » en Amérique du Nord, les revendications en faveur des langues régionales en Europe, mais aussi, dans un autre ordre d’idées, les débats autour du statut des couples homosexuels en sont des exemples probants.
Or, demander à l’État de légitimer les droits de certains en vertu de particularismes communautaires ne peut-il pas entraîner une remise en cause de la neutralité de la fonction étatique ? Un autre risque, que certaines décisions judiciaires récentes ont mis au jour, est l’incapacité de faire valoir un droit unique au nom du relativisme culturel : « La problématique éthique, rappelle Janie Pélabay, revient à chercher le référent moral qui permettra de faire dialoguer les cultures dans leur pluralité axiologique, sans pour autant se résoudre à l’incapacité de juger ».
L’intérêt et l’originalité de la position de Charles Taylor est justement de promouvoir un multiculturalisme qui fédère les citoyens par-delà les clivages culturels. « Charles Taylor, écrit l’auteure, défend une vision communautaire du politique où participation et engagement seraient collectivement valorisés et où les différentes communautés culturelles accéderaient à une reconnaissance publique de leurs particularismes et de leurs différentes conceptions du bien. »