Des persécutions innommables subies par les siens durant la Seconde Guerre mondiale, elle ne saura rien. Car elle aura eu la chance de survivre autre part. Dans cet ailleurs de canicule, de plantations, de luxuriances odoriférantes, là où les juifs pouvaient encore fuir juste avant que la folie meurtrière hitlérienne ne s’abatte sur l’Europe. Dans ce Kenya, pays montagneux et volcanique du bout du monde, loin du lieu de partance – l’Allemagne –, Regina, petite fille de six ans, va grandir, s’émanciper et découvrir les yeux ébahis la beauté de sa terre d’accueil, la richesse vraie de son hospitalité.
Mais ne s’accommode qui veut de l’émigration. L’époque est dure, il faut apprendre à survivre. Or, les parents de Regina, Walter Redlich, avocat déchu de son droit de plaider, et sa mère Jettel, issue de la bourgeoisie provinciale, ne s’étaient pas nécessairement préparer à vivre selon un autre rythme. Faisant face à des états dépressifs, ils en viennent à douter de la raison de leur venue. Et puis, les éventuels employeurs et la communauté blanche du coin se méfient de leur appartenance.
Du reste, il est intéressant d’apprendre que le jour de la déclaration de guerre de septembre 1939, tous les juifs du Kenya ont été raflés par les soldats de sa Gracieuse Majesté. Le Kenya étant, alors, sous protectorat britannique. Les juifs n’étaient plus des « refugees », ils devenaient des « ennemy Aliens ». Ce qui a irrémédiablement bouleversé l’existence de la famille Redlich.
Tandis que le couple bat de l’aile et tente par tous les moyens de subsister, Regina, elle, apprend la langue locale, se réjouit des coutumes et des nouveautés charriées chaque jour par cette contrée magique. Et puis, il y a la relation merveilleuse qu’elle entretient avec Owuor, le boy jaluo. Grâce à son savoir-faire kenyan et ses connaissances ancestrales, Owuor montre à la petite timide à devenir une jeune fille vaillante, enthousiaste, impétueuse et espiègle. Il partage avec elle les beautés de son territoire, il montre comment travailler la terre, aimer ses soubresauts, reconnaître ses colères. Ensemble, ils aiment avec cette joie sincère, loin des angoisses des grands.
Avec cette écriture du quotidien, Stefanie Zweig nous fait vibrer comme dans un mirage. Les effluves d’une tranche de vie autobiographique et tangible en plus. Et ce petit supplément d’âme, cette nostalgie d’une enfance ouatée, cette destinée saisie.