Quatre-vingts courts textes constituent le dernier roman de Paul Theroux, cet Américain de 61 ans qui donne habituellement dans le récit de voyage. Le sujet : un écrivain en panne d’inspiration s’éclipse pour commencer une nouvelle vie comme directeur d’hôtel dans l’Hawaii des natives. Et nous voilà témoins des tribulations d’une faune bigarrée et pathétique qui défile devant la réception de l’hôtel où, derrière son livre, se terre le directeur.
Du pensionnaire à vie au simple voyageur qui s’échoue à l’hôtel plutôt décati de Buddy « Tuna » Hamstra, le richissime propriétaire des lieux, notre écrivain en vacances a de quoi engranger pour un éventuel roman ! Tous un peu plus azimutés les uns que les autres, les nombreux personnages de Hôtel Honolulu ne manquent pas de nous rappeler qu’un voyeur sommeille en chacun de nous… Caricaturaux, ces personnages n’en sont pas moins crédibles et émouvants : « Il y a un certain visage que prend une femme âgée quand elle est frappée par le sort et très maquillée. Alors qu’elle veut ressembler à une poupée, elle finit par avoir l’air d’un cadavre ‘ visage comme un fromage blanc, sans lèvres, taches de rouge et joues creusées, dents ivoire, yeux morts, cheveu rare, le genre de masque qu’on voit émerger des cercueils ». D’un regard lucide, souvent impitoyable, Paul Theroux brosse des portraits néanmoins sympathiques de parasites et de profiteurs, de pessimistes et de suicidaires, de grossiers personnages et de parvenus, de catins et de poufiasses. L’art de trouver la précieuse pépite dans la caillasse n’a plus de secret pour lui !
Ce n’est donc pas dans le paradis des surfeurs que nous plonge l’auteur, mais plutôt dans la microsociété que constitue l’hôtel Honolulu, directement dans les ruelles de l’éden, où l’on croise beaucoup de misère et quelques grandeurs.