Voici, sous forme de roman picaresque, les tribulations d’un jeune poète puceau qui érige l’innocence en règle morale. Fin XVIIe siècle, subissant le courroux de son père, le jeune Ebenezer Cooke, est forcé de gagner le Maryland pour veiller sur les plantations de tabac de ce dernier. C’est alors le début d’une longue et extravagante histoire ! Heureux dans sa malchance, Ebenezer croise son ancien précepteur, le sémillant Henry Burlingame, qui l’invite à faire la traversée avec lui. À la suite d’événements malencontreux, le jeunot se verra plutôt forcé de faire le voyage avec son ancien valet, le malicieux Bertrand, qui a usurpé l’identité du premier. Des cales du Poséidon au rivage du Nouveau Monde, celui qui deviendra le jeune poète lauréat de la province du Maryland en verra de toutes les couleurs : conspirations, félonie, travestissements, ruses, feintes, pirateries Piquante satire des romans d’époque, Le courtier en tabac, lent à démarrer, n’en récompense pas moins son lecteur.
John Barth, lui-même natif du Maryland, s’amuse ferme en nous racontant avec un humour rabelaisien les nombreuses péripéties et les prodigieux revirements qui surviennent tout au long de l’expédition des Anglais qui s’aventurent au pays des sauvages, des trafiquants d’esclaves, des maquereaux et des putains. Maintes fois le pauvre Eben verra sa vie menacée : « Dans la mesure, donc, où les mouvements historiques sont l’expression de la volonté des personnes qui en font partie, Ebenezer était un juste objet du courroux de ses ravisseurs, car il appartenait, […],à la classe des exploiteurs ; en sa qualité de gentilhomme du monde occidental, il avait partagé les fruits d’une culture dominante et devait par conséquent partager les fautes qu’encourait cette domination ».
Farce historique, vaste comédie humaine et parodie satirique, Le courtier en tabac constitue l’œuvre capitale de son auteur et son excellente traduction lui fait honneur.