« Il y a toujours en moi quelqu’un de plus grand que moi, de plus noble, de plus puissant, qui me pousse à grandir, que j’aime, que je ne cherche pas à égaler, un corps, une âme, un texte’humain que je ne veux pas retenir, auquel je veux livrer passage, auquel je m’enchante d’avoir à donner l’infini », écrivait Hélène Cixous il y a déjà plusieurs années dans La venue à l’écriture (1986). Comment mieux parler du rapport à soi et à l’autre, de soi à l’autre qu’engage une expérience ‘ l’écriture, je serais tenté de mettre une majuscule, tiens : Écriture… ‘ par laquelle tous les charmes de l’hospitalité, aussi violente puisse-t-elle être, se trouvent réunis comme une mémoire à construire ? Oui, c’est de cela qu’il s’agit chez Hélène Cixous : donner infiniment jour à ce qui vient, voix vitale accueillant la mort comme complice inséparable.
À lire les actes de ce colloque de Cerisy tenus du 22 au 30 juin 1998 en présence de l’écrivaine, je me suis demandé, y entrant avec la longue et richissime conférence d’ouverture de Derrida (près de 130 pages), comment il se fait qu’on ne lise pas davantage cette œuvre si vertigineuse. La réponse dépasserait évidemment les quelques lignes qui me sont ici attribuées et m’appellerait à promettre une intense réflexion politique sur ce qu’il en est de la lenteur et du souffle, ainsi que du rapport entre ces deux modalités de l’existence, incongrues à notre époque.
Le pari de l’organisatrice, Mireille Calle-Gruber, était de taille : donner à entendre une œuvre dont les vents épousent tous les rythmes, s’inscrivant tant dans la fiction et le théâtre que dans l’essai littéraire et philosophique. Il fut magnifiquement « relevé ». Il restera. Le tissage ‘ vieille métaphore… ‘ aura fourni le lieu de rencontre, neuf journées, filées de « croisées » où se rejoignirent écrivains, philosophes, traducteurs, metteurs en scène, cinéastes et acteurs. Quelques noms, quand même : Anne Berger, Antoinette Fouque, Isako Matsumoto, Ariane Mnouchkine, Roger-Daniel Bensky et Daniel Mesguich. Je n’oublire pas les autres (le verbe est de Hélène Cixous) et surtout, n’élis pas ceux-là pour les faire plus propices, mais pour enjoindre d’urgence à lire les textes de ce colloque et cette œuvre humainement et fémininement prométhéenne.