Pour plusieurs, l’architecture moderne se résume à ces immenses constructions verticales, souvent interchangeables, qui composent la géographie de tous les centres-villes de la planète.
Il est vrai qu’au cours du siècle passé, politiciens, promoteurs, urbanistes et architectes se sont lancés à qui mieux mieux et avec des bonheurs divers, dans l’érection d’édifices en hauteur, signe à leurs yeux de modernité.
L’école du Bauhaus
Cette façon de penser l’environnement bâti découlait d’une certaine esthétique développée par les architectes et artistes influencés par l’école du Bauhaus (Mies van der Rohe et Walter Gropius en architecture ou Paul Klee et Vassily Kandinsky en peinture). Ce mouvement dit « moderniste » a imposé à l’architecture du XXe siècle un dépouillement ascétique des formes dont l’esprit s’accordait aussi bien avec le progrès des techniques de construction qu’avec les impératifs économiques.
Par dessus tout, le Bauhaus a imposé l’esthétique des volumes nus dont la qualité tient aux proportions et à elles seules. Ce qui est, il faut bien l’admettre, l’un des caractères propres de la véritable architecture. Mais ce n’est pas le seul. On le constate avec les travaux récents de Frank Gehry (Musée Guggenheim de Bilbao), de Renzo Piano et Richard Rogers (Centre Pompidou de Paris) ou encore de Daniel Libeskind (Musée juif de Berlin et bientôt le nouveau World Trade Center de New York).
Une autre architecture
Le splendide Architecture du monde contemporain1 (Phaidon) n’aurait que le mérite de nous faire constater l’existence d’une autre architecture, d’une architecture moins sèche, qu’il en aurait déjà beaucoup. Mais il propose plus. À travers 600 constructions, choisies partout dans le monde, et de très belles photos couleur, Hugh Pearman fait une véritable analyse de la démarche architecturale de 1970 à aujourd’hui.
Des édifices-écrins que sont les musées, aux bâtiments industriels en passant par les lieux de culte ou l’habitation individuelle, Hugh Pearman a choisi des réalisations pour leur caractère exemplaire, leur design innovateur ou pour la virtuosité technique déployée pour leur exécution.
Le livre est divisé en treize chapitres, chacun constituant une monographie en soi. On y présente d’abord les contraintes propres à certains types de bâtiment, défi que doit résoudre l’architecte. Aux exigences techniques s’ajoutent la plupart du temps des exigences sociologiques, politiques et financières. La genèse des bâtiments nous apprend donc que toute architecture est le fruit d’un compromis.
Ensuite, l’auteur présente et compare, avec le souci d’être compris par son lecteur, les solutions trouvées par différents architectes pour résoudre ou contourner ces difficultés. Dans cet inventaire figurent aussi bien certains ratages « exemplaires » comme l’Opéra Bastille de Paris.
Architecte et critique au Sunday Time de Londres, Hugh Pearman, commente – avec ses partis pris et ses détestations – les mouvements de la pensée moderne (éclatement des certitudes, fin des utopies communautaires, montée des préoccupations environnementalistes, etc.) et leur impact sur les courants de pensée en architecture et sur les constructions qui en sont issues. Ainsi présentée par l’auteur, l’architecture est aussi un humanisme.
La richesse de l’iconographie, l’élégance de la mise en pages, la qualité du travail d’impression, l’intelligence et l’étendue du propos font de ce livre un outil essentiel aussi bien pour les gens de la profession que pour ceux, plus nombreux, qui sont passionnés d’architecture.
1. Hugh Pearman, Architecture du monde contemporain, trad. de l’anglais par Jacques Bosser, Phaidon, Paris, 2002, 512 p. ; 89,95 $.