Je me souviens de cette fois où, dans l’apaisante maison de thé sur la rue Saint-Joseph à Québec, j’avais levé les yeux de quelque théière en terre cuite et m’étais mis à lire les discrètes descriptions affichées çà et là. L’auteur en moi y avait vu le souci du travail bien fait : ces notes, qui en d’autres circonstances auraient pu relever de la plus pure banalité, étaient si adroitement rédigées que j’en avais félicité l’équipe. C’est peut-être aussi cela, l’esprit, la voie du thé : porter attention aux petites choses du quotidien, s’y adonner sans affectation, le cœur léger, ne pas chercher à créer la beauté, plutôt la laisser se dévoiler, car déjà elle est là, dans les mots, dans la tasse, dans les feuilles.
Des notices aux livres, il y avait plus d’un pas. Disons plutôt des années de recherches, de voyages, de passion. Et cela n’aura pas été vain. Car si le deuxième ouvrage de la Maison de thé Camellia Sinensis a pour sous-titre À la rencontre d’un art millénaire, ces braves gaillards semblent avoir réussi à faire un livre tout à fait intemporel.
Rares sont les livres dont on peut dire qu’ils sont parfaits, ou presque. Admirables tant pour leur présentation que pour leur contenu. Thé vert est assurément de ceux-là. Le livre-objet, d’abord : voyez le choix du format, du papier, des photos et dessins, de la typographie… Mais à l’instar du Bai Ye, thé vert chinois qui satisfait aux plus hautes exigences esthétiques, le contenu se savoure aussi. À petite ou à grande dose, à la théière ou au gaiwan, sans regret en tout cas. Les experts y partagent une vision intimiste du thé, nous faisant voyager à leurs côtés… Ils nous font remonter le temps, nous dévoilent des mystères impériaux, nous dressent le portrait de cultivateurs – que la Maison, qui fait ses propres importations, semble traiter avec le plus grand respect. Fragments de poèmes anciens, anecdotes historiques, déambulations dans les plantations, entrevue avec un maître potier, passage au laboratoire et même à la cuisine… Tout y passe, et toujours dans un français irréprochable, mais sans une once du snobisme que l’on retrouve parfois dans les cercles d’amateurs branchés. La dernière section, « Explorer la matière », fournit aussi des index et annexes fort appréciés et résumant bien l’affaire.
Un livre qui convertira le sceptique et fera les délices du connaisseur, sans rebuter le néophyte. Sans doute fallait-il la sensibilité d’une équipe de goûteurs de thé pour trouver ce précieux équilibre.