Après avoir habité Chicoutimi et Québec, puis Moscou, à partir duquel il faisait des incursions dans les pays de l’ex-URSS, Frédérick Lavoie est aujourd’hui installé à Mumbai, en Inde. Le journaliste bourlingueur est un de ces étonnants voyageurs qui parcourent le vaste monde, l’observent et, surtout, le racontent. Malgré son âge, la jeune trentaine, ou justement à cause de son âge, ses implacables écrits sont fascinants. Dans Allers simples, il dévoile ses aventures européo-asiatiques, de la Biélorussie à la Géorgie, en passant par l’Abkhazie, la Tchétchénie ou encore l’Ouzbékistan ou le Turkménistan.
D’entrée de jeu, l’auteur nous dévoile ses carnets de prison écrits en 2006, alors qu’il purgeait une peine de quinze jours à Minsk (Biélorussie), pour cause de rassemblement sur la voie publique. Il couvrait alors une manifestation d’opposants au régime le soir de l’élection. À l’époque, l’événement avait fait la une des journaux. Son fascinant témoignage nous plonge froidement dans la folie post-soviétique. « Mais je ne m’adresse pas à des hommes. Je parle aux rouages déresponsabilisés d’un système autoritaire qui ne connaît pas d’erreur. Moi non plus je ne suis plus personne. »
Pendant son emprisonnement, il se lie d’amitié avec quelques compagnons d’infortune et leur traduit en russe les grands poètes du Québec : « […] les deux avant-dernières phrases de ‘La marche à l’amour’ de Gaston Miron […] : ‘Je n’attends pas à demain, je t’attends / Je n’attends pas la fin du monde, je t’attends’ ».
Au fil des jours et des années, Lavoie remplit ses petits carnets de notes et de dessins. Reporter sans attaches, journaliste indépendant, il s’offre le luxe de la pleine liberté. Il va là où il veut aller, il raconte ce qu’il veut raconter. Un jour, il décide de rassembler ses écrits et de les publier. Pas tous, seulement les plus révélateurs. « J’ai voulu relater les épisodes qui me semblaient les plus significatifs afin de donner une vue d’ensemble de la région. » Le généreux témoignage informe autant sur les mœurs et la culture d’un pays que sur son climat politique ou ses enjeux économiques. Et c’est là que le récit du journaliste vaut son pesant d’or.
Difficile de ne pas comparer Frédérick Lavoie à un Nicolas Bouvier ou un Jack London québécois, dont les anecdotes seraient par contre d’une brûlante actualité. Allers simples allie des témoignages de vie d’ex-Soviétiques épuisés, rigolos ou marginaux à des réflexions sociopolitiques percutantes. Le proverbe ne dit-il pas : « Les voyages forment la jeunesse » ? Lavoie ajoute en entrevue au Libraire : « Vivre à l’étranger, c’est une façon de devenir une meilleure personne ».
Le reporter amène le lecteur au cœur de la « Post-Soviétie » et même jusqu’à Saransk, en Mordovie, république devenue tristement célèbre récemment parce qu’une des Pussy Riot y est emprisonnée, et aussi, ironie du sort, parce que l’acteur Gérard Depardieu, détenteur d’un passeport russe, s’y est vu proposer le poste de ministre de la Culture.
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