Rares sont les romanciers et bédéistes québécois qui se sont essayés à créer un superhéros local, voire national, et avec raison. Un Captain québécois arborant fièrement une fleur de lys sur son torse musclé serait parfaitement ridicule. En ouvrant Monsieur Électrique, j’avais donc peur, peur de tomber sur l’une de ces mauvaises imitations des bandes dessinées, comics et histoires de superhéros qui ont marqué notre imaginaire d’enfant et continuent de travailler celui de l’adulte. Crainte non justifiée : Monsieur Électrique sait séduire, ne serait-ce que par les nombreux (trop nombreux ?) passages didactiques où le narrateur s’applique à exposer l’historique de la bande dessinée, voire la sociologie du personnage costumé et de ses super-pouvoirs.
Samuel, le narrateur de Monsieur Électrique, cinquième roman de Jean-Marc Beausoleil, est professeur de français au Shakespeare College. Fraîchement divorcé d’une ancienne élève, Samuel « fume un paquet par jour et boi[t] comme un trou ». Un soir d’ivresse, il s’inspire d’un ami, Richard Saint-Laurent, pour se mettre à la bande dessinée et créer, avec l’aide d’un dessinateur, ce qui deviendra Monsieur Électrique. Le premier album connaît un succès instantané, si bien que Monsieur Électrique devient le personnage principal d’un jeu vidéo distribué par la célèbre boîte Ubisoft. Également recruté par Marvel, Samuel n’a plus à craindre pour son avenir financier. Ainsi riche, il en vient à payer pour les services de prostituées de luxe, plus précisément pour l’une d’entre elles : Natasha la nuit, Iona de jour. Natasha sera retrouvée morte, assassinée, comme deux de ses collègues d’ailleurs, elles aussi travailleuses du sexe. Les autorités exigent du narrateur, principal suspect dans cette série de meurtres, une confession écrite, qui deviendra le roman.
Si vous êtes à rédiger une liste de nouveautés littéraires absolument incontournables, sachez que Monsieur Électrique est bon, mais qu’il en existe de meilleurs. Loin d’être révolutionnaire, l’histoire aurait pu être exploitée différemment, sortir un peu plus des sentiers battus. Toutefois, réinventer le genre aurait pu être périlleux et ce roman est, somme toute, pas mal du tout. Il ne s’agit pas de l’un de ces livres qui tiennent éveillé jusqu’aux petites heures du matin, mais vous ne trouverez certes pas déplaisant de l’apporter un peu partout et de lire ses brefs chapitres à temps perdu.