En dépit de ce que suggère son titre en anglais, Blue Tango a été écrit directement en français par la romancière québécoise Simone Piuze et fait suite à son excellent roman La femme-homme (David, 2006). Le narrateur, Jean Courtemanche, séducteur aguerri dans la cinquantaine avancée, rencontre par hasard une jeune femme, Claudine Saint-Amant. Elle possède une toile ayant appartenu à la peintre Martha Lupien, autrefois surnommée « la femme-homme », disparue mystérieusement 40 ans plus tôt, le 16 avril 1966, à Rawdon. Ce souvenir amoureux et cette toile de Martha Lupien servent de point de départ à cet autre récit initiatique, cet autre roman queer, comme l’était déjà à sa manière La femme-homme. Comment cette toile considérée comme perdue et hautement symbolique pouvait-elle se retrouver accrochée au mur de l’appartement de cette jeune personne rencontrée par hasard ? Mais déjà, j’en ai trop écrit sur une intrigue riche en rebondissements, par moments digne d’un thriller ou d’un roman policier, mais sans une surabondance de personnages de policiers.
Dans ce cinquième roman « pour adultes seulement », le style de Simone Piuze est différent : l’atmosphère onirique qui caractérisait La femme-homme a fait place à une plus grande volonté de réalisme, même si le texte reste souvent à fleur de peau, tout comme les personnages masculins qu’elle met habilement en scène : « Ce soir-là, allongé sur la moquette du salon, je mesurai la vacuité de mon existence », explique le narrateur. L’écriture de Simone Piuze paraît parfois moins personnelle et peut-être plus conventionnelle, beaucoup plus sensuelle, mais aussi plus cinématographique. Il aurait été difficile de surpasser La femme-homme, qui ressemblait à un récit sous forme de rêve éveillé, mais Blue Tango prolonge le roman précédent et contient de ce fait un double dénouement. Enquête, voyage intérieur, roman psychologique ou bilan provisoire d’un quinquagénaire en pleine crise existentielle ? La romancière explore particulièrement les sentiments troubles et la sensibilité de ses personnages masculins en quête d’une identité, d’un passé, d’une impossible figure paternelle dont Jean Courtemanche devra faire son deuil lors de son séjour à New York.
Il ne serait pas étonnant de voir adapter ces deux romans au cinéma.