Le recyclage fait dorénavant partie de nos vies. Son importance sur le plan écologique, notamment en ce qui a trait à la préservation des ressources naturelles, n’est certes plus à démontrer. Il en va toutefois un peu autrement de ce qu’on peut appeler le « recyclage culturel », souvent déconsidéré depuis l’époque moderne en vertu d’un idéal de nouveauté et de créativité. Dans son ouvrage, Philippe St-Germain nous invite pourtant à prendre conscience du fait que la culture est profondément marquée par le recyclage. Son objectif n’est pas de proposer une méthode d’analyse propre à rendre compte de ce recyclage, ni d’effectuer un classement précis des innombrables et subtiles formes qu’il peut prendre, mais plutôt d’aider à mieux comprendre ce phénomène en examinant certaines pratiques à travers lesquelles il se déploie plus particulièrement (par exemple, l’adaptation, la traduction, l’influence, le plagiat, le montage, le portrait et la caricature, la dérivation, le remake, la suite, etc.).
Le recyclage culturel n’est pas nouveau, comme le rappelle St-Germain en évoquant « les débuts – grecs – de la philosophie occidentale » et les actualisations mythologiques. Pour ajouter à son illustration, il aurait également pu convoquer l’esthétique classique qui préconisait l’imitation des Anciens. Mais St-Germain centre plutôt son attention sur des formes contemporaines de recyclage qui touchent aussi bien à l’art et à la littérature canoniques qu’à la culture populaire (personnages de bande dessinée, cinéma hollywoodien, etc.), et qui bien souvent mettent à profit la technologie (par exemple, l’échantillonnage musical ou sampling). Bien qu’il souligne les problèmes – légaux, moraux – soulevés par le recyclage culturel, St-Germain n’entend ni le condamner ni le promouvoir. Pour lui, il s’agit avant tout de montrer que « le recyclage a acquis une extension si considérable au fil du temps qu’il constitue désormais un élément incontournable dans toute étude de la culture ». Cela dit, il aurait été intéressant qu’il nous démontre davantage comment ce procédé contribue efficacement à « faire du neuf avec du vieux », à « relancer constamment les œuvres anciennes dans un nouveau circuit de sens », comme le disait Gérard Genette dans Palimpsestes (1982). De même, on aurait pu souhaiter que soit davantage abordé ce que Frank Wagner (2002) appelle « la fonction de révélateur culturel et épistémologique » que l’on peut conférer à ce genre de culture recyclée.
Les questions de filiation, d’emprunt, d’influence, d’intertextualité, d’allusion mythologique, d’adaptation, de mémoire, d’héritage, etc. sont depuis longtemps au cœur des études sur la culture. Or, St-Germain aborde de façon originale ces questions à l’aide d’un concept actuellement bien établi dans les consciences sur le plan environnemental. Autrement dit, si par définition recycler signifie soumettre un élément à un autre usage que celui qu’il avait initialement, on peut dire que l’ouvrage de St-Germain recycle le concept. L’idée est intéressante, mais elle reste sans doute à développer.