Avocat, homme politique et administrateur connu pour ses prises de position parfois dérangeantes, l’ex-PDG de l’Association des manufacturiers du Québec signe un livre qui tombe à point nommé dans le contexte actuel. Le second segment du titre dit déjà tout : la « dépossession tranquille ». En faisant écho à la Révolution tranquille, il met en lumière la violence systémique exercée de manière extrêmement perverse par un des pires escrocs qu’ait jamais connu le Québec. Appuyés par Jean Charest, sa mafia, leurs entreprises, leurs médias et leurs paramilitaires, Desmarais et son clan sont en effet parmi ceux qui font de la force et de l’intimidation le moteur des crises qu’ils provoquent, comme on l’observe dans le conflit étudiant qui perdure depuis plusieurs mois ou comme on l’a vu récemment au Forum économique des Amériques organisé à Montréal en juin. À côté de ces mercenaires, les « actions directes » du Black Bloc ne sont depuis 1980 que des jeux d’enfant.
Ayant moi-même travaillé durant plusieurs années dans le domaine de la consultation en stratégie d’entreprise, je puis témoigner que la distinction reprise par Richard Le Hir entre les bâtisseurs et les écumeurs s’avère pertinente. Alors que les premiers sont de vrais entrepreneurs, les seconds ne cherchent qu’à maximiser les profits sans aucun égard aux humains. Paul Desmarais appartient bien sûr à la seconde catégorie. Sa stratégie consiste à mettre en opposition ses intérêts personnels et l’intérêt collectif. Le livre de Le Hir documente ainsi le modus operendi d’un homme qui n’hésite jamais à attaquer la société civile et à en manipuler les institutions par la corruption et le trafic d’influence. Les exemples abondent, évidemment défendus par les prétendus « lucides » (Lucien Bouchard, Joseph Facal, André Pratte, Guy Saint-Pierre et autres grands intellectuels…) : Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, le CHUM, l’industrie du gaz de schiste, le Plan Nord, Pétrolia, sans compter Total, GDF Suez, Veolia, la collusion avec plusieurs premiers ministres, avec Sarkozy, etc. L’« Oncle Paul » opère sur tous les fronts et son stock d’armes est considérable. Le Hir en fait la démonstration rigoureuse dans cet ouvrage construit à partir d’une série de textes publiés originalement sur le site Vigile.net, agrémentés de commentaires toujours pertinents. Un capitalisme humain serait-il possible ? On peut y rêver, mais Power Corp en est l’un des ennemis les plus acharnés.