Melchior Mbonimpa imagine avec La tribu de Sangwa une forme d’utopie contemporaine fondée sur le métissage culturel, une utopie prônant des valeurs saines et un investissement désintéressé dans un humanitarisme gratifiant, où toute chance de salut passe inévitablement par le travail, l’entraide et le ciment des liens familiaux forts.
Zamba est un jeune apatride épris de la fille de Sangwa, un député influent du Kenya. Si tout sépare en apparence le réfugié de la belle Assia, les amoureux se fréquentent néanmoins à l’insu des parents de la jeune femme. La promesse pour le couple – et l’enfant à venir – d’un futur légitime au Canada où s’apprête à être accueilli Zamba est tristement compromise, jusqu’à ce que le destin tranche enfin de manière funeste, plongeant l’immigrant dans la misère. Mais la vie peut parfois réserver de bien douces surprises aux désespérés…
L’intérêt suscité par La tribu de Sangwa réside moins dans la valeur littéraire du texte que dans le caractère anthropologique du roman, hélas teinté d’une morale monolithique. En un sens, tous les membres du clan ne semblent s’exprimer que d’une même voix, à preuve ces répliques au ton emprunté, invariable de l’une à l’autre, qui font de Melchior Mbonimpa un dialoguiste bien peu convaincant.
Dans la mesure où les ponts entre les cultures canadienne et africaine sont multipliés dans l’œuvre, les découvertes sur l’autre sont enrichissantes. À un point tel toutefois où le récit ne s’affranchit pas d’un penchant pédagogique lourd. À tout prendre, la portion canadienne du roman n’arrive pas à la cheville de l’autre, celle où la branche de la tribu de Sangwa établie à Vancouver se déplace en Afrique. S’il est justifié de présenter le choc culturel de Zamba en Amérique du Nord, le traitement apparaît par effet de contraste trop superficiel.
Dans ce roman se voulant pourtant profondément social, le cadre est négligé, en particulier le contexte sociopolitique, presque occulté au profit de considérations domestiques mineures souvent sans réel intérêt. Cette saga familiale trop ambitieuse pour l’espace imparti se déroule sur cinq décennies sans que l’on apprécie une évolution liée au passage du temps, comme si le monde extérieur n’avait de prise sur cette cellule familiale solidaire, prisonnière d’un traitement se rapprochant parfois du cadre elliptique d’un synopsis étoffé.