Une mort comme rivière boucle la trilogie des Carnets de Francis, commencée en 2009 avec L’automne écarlate, qui fut suivi par Les visages de la vengeance en 2010. François Lévesque s’inspire terriblement du cinéma d’horreur pour écrire ses romans noirs. Il est d’ailleurs critique cinématographique au Devoir et pour Médiafilm. Cette passion pour les films d’épouvante crève les yeux dans Une mort comme rivière, qui est littéralement un hommage à Roman Polanski et à ses films Répulsion et Le locataire.
Dans le dernier tome de la trilogie, Francis, le personnage principal, a une trentaine d’années ; il est contraint malgré lui de revenir à Saint-Clovis, petit village sinistrement accablé de souvenirs. Habitant chez sa défunte tante pendant son court séjour, il apprend quelques renseignements sur son histoire familiale qui l’amèneront à déterrer les morts et leurs secrets, son exutoire espéré. Ensuite, l’auteur fait un retour dans le temps et nous présente Francis, fraîchement sorti de pédopsychiatrie où il a passé sept ans à tenter de comprendre et d’exorciser ce qui l’habite. Poursuivi par une vie de famille vésanique, le jeune homme essaie de faire taire ses démons avec les bruits de la ville : il déménage à Montréal, où ses « absences » peuvent passer inaperçues. On le verra errer dans les dédales de cette jungle citadine qui deviendra le théâtre de son aliénation et de sa vaine résilience.
Pour dire adieu à son personnage, François Lévesque crache sa verve délirante et s’enfonce profondément dans sa folie. Il crée une ambiance inquiétante dans laquelle il est impossible de distinguer le vrai du faux. Le lecteur lui-même ne sait plus lire (vivre) la réalité ni le cauchemar. Cette incompréhension est dérangeante, mais le récit est axé sur l’expérience du sociopathe, François Lévesque s’attaquant à une démonstration troublante de la maladie mentale vue de l’intérieur. On découvre ainsi différentes facettes de la Bête, dans des dialogues (monologues) décousus et criants de non-sens.
Une mort comme rivière est jalonné d’images fortes et de personnifications réussies et crédibles. À la lecture, on se sent aspiré par ce tourbillon de folie qui réussit à trouver son apogée et son dénouement dans une fin bien ancrée dans la réalité, satisfaisante.