L’épigraphe à l’entrée du recueil annonce l’atmosphère de la trame narrative : « Heaven is a place where nothing ever happens » (Talking Heads). Une façon de présenter l’univers de la narratrice, Hazel, témoin de nombreux petits drames. Les trois parties du recueil, totalisant treize nouvelles, nous entraînent de l’enfance au début de l’âge adulte de cette narratrice qui porte un regard distancié sur son entourage. Distanciation qui ne parvient toutefois pas à dissimuler une grande sensibilité. Chaque nouvelle au titre fantaisiste croque une anecdote qui laisse entrevoir le quotidien de sa famille proche et élargie, avec grands-parents et oncles paternels. D’où l’unité du recueil.
Excentricités, imprudences, fantaisies, drôleries, conflits définissent les traits de caractère des uns et des autres. Il y a l’oncle Castor, qui élève des animaux de plusieurs espèces, mais tous blancs ; l’oncle Bishop, grand fabulateur, qui n’est jamais avec la même tatie ; le grand-père, qui garde son chien mort sur la banquette arrière de sa Cadillac, etc. Les voisins n’échappent pas aux observations désinvoltes de l’adolescente déboussolée. Ce n’est pas le paradis où, du point de vue d’Hazel, il ne se passe rien, mais pas davantage l’enfer pour l’adolescente qui navigue pourtant sur un navire sans capitaine.
Le regard que porte Hazel sur son monde fait penser à celui de la narratrice de La petite et le vieux de Marie-Renée Lavoie (XYZ, 2010), par cette faculté qu’ont les enfants sensibles et doués à ressentir une atmosphère. Trop jeune pour interpréter, expliquer, justifier, Hazel décrit et raconte ce qu’elle observe, répète ce qu’elle entend, en toute naïveté, comme cette fois où elle marche sur un fil sous tension alors que son père refait l’électricité. C’est à peine s’il s’interrompt pour demander à la fillette, qui s’est retrouvée un mètre plus loin, si elle s’est fait mal. Pas de cris, pas de commentaires.
La critique avait louangé le premier roman de Gil Adamson, La veuve, édité en français chez Boréal (2009). Le présent recueil confirme le talent de l’écrivaine quant à sa capacité à capter le pittoresque dans le train-train quotidien, et à caractériser ses personnages animés d’un grain de folie en dépit d’une apparente normalité.