« Ceci est un livre sur le péché originel. » C’est ainsi que débute Big Boys, Les mercenaires d’Irak. Péché originel, en effet, dans le sens de perte d’innocence, et aussi d’une forme de culpabilité. Car ces hommes, souvent des ex-militaires, originaires de plusieurs pays, mais en majorité américains, qui sont allés s’engager en Irak auprès d’agences de sécurité privées, ont assurément une responsabilité à porter. Les raisons les ayant incités à faire ce choix peuvent être multiples, mais les salaires alléchants comptaient certainement pour beaucoup.
Steve Fainaru, alors qu’il était reporter pour le Washington Post, a écrit une série de reportages sur ces mercenaires de la guerre d’Irak – il faut dire qu’ils n’aiment pas ce terme et préfèrent se faire appeler « agents de sécurité privés ». Il a mis sa vie en danger en accompagnant certains d’entre eux lors de leurs missions d’escorte de convois de camions. Ses articles portaient sur quelques agences reconnues pour les gestes de brutalité gratuite et pour les assassinats d’Irakiens innocents commis par certains de leurs employés. Il a dénoncé l’impunité accordée systématiquement à ces agences par le département d’État américain. Pourtant, l’une d’entre elles était même tristement reconnue pour avoir participé à une tuerie perpétrée à la place Nisoor, à Bagdad, où dix-sept Irakiens furent tués.
Les reportages publiés par Fainaru lui ont valu le prix Pulitzer en 2008 et lui ont fourni la matière pour son livre. Dans une partie importante de l’essai, il s’attarde sur un groupe de cinq hommes côtoyés de près en Irak. Ceux-ci ont été kidnappés peu après le retour précipité de l’auteur aux États-Unis, qui s’était rendu auprès de son père mourant. Parce qu’il se sentait près de ces hommes et qu’il s’était attaché en particulier à l’un d’eux, Jon Coté – dont le père était originaire du Québec –, il raconte les démarches visant à retrouver les disparus. Il rapporte également des éléments de sa propre vie, comme l’état de santé de son père et les démêlés de son frère avec la justice. Tout cela ajoute une touche plus humaine à son essai. C’est sans doute en bonne partie pour cette raison que Big Boys se lit comme un roman : on est captivé par le récit et on veut savoir quel sort connaîtront les kidnappés.