Le 11 mars 2011 s’est tenu à l’Université McGill un colloque consacré à « la pratique du roman » dans le cadre des activités du groupe TSAR (Travaux sur les arts du roman) dirigé par Isabelle Daunais et François Ricard. Les deux animateurs de cette journée présentent aujourd’hui les réflexions des six romanciers qui ont pris part aux discussions et des deux autres qui ont par la suite ajouté leur contribution.
Faisant appel aux auteurs dont elle s’est nourrie au fil des ans, Dominique Fortier affirme le « véritable pouvoir du roman, ce qui fait de lui une chose unique et irremplaçable ; car s’il est vrai que nous recréons chaque fois les livres que nous lisons, ils nous façonnent et nous créent aussi ». Louis Hamelin se penche pour sa part sur la tension entre l’idylle et l’histoire dans le roman. Il en retrace la présence chez plusieurs romanciers français, québécois et américains et confie avoir utilisé lui-même ce couple dans plusieurs de ses livres. Monique LaRue raconte ensuite son cheminement de lectrice, d’étudiante et de romancière. À un moment fort de son parcours, elle a été marquée par Roland Barthes, qu’elle en est venue à délaisser avant de le redécouvrir avec jubilation dans La préparation du roman. La réflexion de Trevor Ferguson porte principalement sur deux « mots qui reviennent souvent dès qu’on parle sérieusement d’écriture littéraire » : le contexte, qui permet au romancier de créer un univers, et l’épiphanie ou instant épiphanique provoqué dans l’esprit et les sens du lecteur. Ferguson parle aussi des trois étapes (romantique, spécifique et générale) par lesquelles s’élabore la structure de base de la plupart des romans. Ses entretiens avec la rédactrice en chef d’un magazine féminin ont amené Nadine Bismuth à constater le « détournement du rôle de la fiction et de la littérature » dans les périodiques grand public où l’on s’intéresse plus à la personne de l’auteur qu’à son écriture. Après une trentaine de livres, Gilles Archambault vante la liberté qu’offre le roman, qui « ouvre ses portes avec la permissivité d’une tenancière de maison close ». « Si ma vie était à recommencer, conclut-il, je referais le même parcours. » Suzanne Jacob réfléchit quant à elle sur trois romans qui l’ont séduite : Franza de l’Autrichienne Ingeborg Bachmann, Le désert mauve de la Québécoise Nicole Brossard et Hécate du Français Pierre Jean Jouve. Tous trois, dit-elle, « donnent une expérience du monde, du crime et de la mort, qui paraît n’avoir jamais été écrite alors qu’on est dans l’évidence d’être en train de la lire ». Robert Lalonde ferme la marche avec un court texte où il déclare : « J’écris et je lis parce que je n’arrive pas à croire au déterminisme – gènes et éducation – par lequel on a tenté et on tente encore de m’expliquer la vie ».
La pratique du roman est au total un livre intéressant qui a le mérite d’offrir une réflexion, rare au Québec estiment les présentateurs, sur « l’art du roman, c’est-à-dire le roman défini non pas seulement comme une forme littéraire mais comme un mode privilégié d’exploration du monde et de l’existence ».