Magnifique et terrible, cette Rivière tremblante, dixième œuvre d’Andrée A. Michaud. Le roman est un émouvant thriller psychologique, superbement écrit. Tout en délicatesse et, en même temps, en effets coups-de-poing.
Deux enfants disparaissent et leurs proches s’enfoncent inéluctablement dans une culpabilité sans retour. Le petit Michael Saint-Pierre, douze ans, se volatilise en 1979, un jour de grande tempête, dans les bois de Rivière-aux-Trembles, sous les yeux horrifiés de sa copine Marnie. « Pendant des mois, je me suis torturée, seule sous les nuages obscurcissant le ciel d’orage. » Des années plus tard, la petite Billie Richard, âgée de huit ans, ne revient pas à la maison en sortant de l’école et son père devient fou de chagrin. « Billie, qui n’aurait jamais sa croix ni son cercueil à elle, parce qu’elle était partout, Billie, parce qu’elle n’était nulle part. »
Les deux survivants, l’amie Marnie et le père Bill, se croisent par hasard et deviennent tour à tour les narrateurs de ces drames bouleversants. Rivière tremblante n’a rien d’un récit d’enquête policière classique, mais est plutôt un roman tout en émotions. La crainte de devenir folle de la première fait écho à la douloureuse colère du deuxième, dont le couple ne survivra pas à l’horreur. « Si c’était à recommencer, m’a-t-elle craché à la figure, je lui trouverais un autre putain de géniteur. Tu vaux rien en tant que père… »
« La seule façon de fuir sa mémoire, c’est de se faire lobotomiser. Je n’en étais pas encore là. » Les deux narrateurs vivent une vie en suspens, entre parenthèses, en perpétuelle attente, car leur douloureuse perte ne s’inscrit nulle part, sans lieu pour se recueillir, sans ancrage pour pleurer. « Les enfants disparus n’ont droit à aucune véritable sépulture. »
L’auteure signe ici un suspense de grande qualité, qui prend le lecteur en otage dès le début, lui noue aussitôt la gorge et lui fait monter les larmes aux yeux. La beauté de l’écriture séduit, la structure littéraire, puissante et efficace, fascine.