S’il peut paraître indécent aux yeux de certains de publier la biographie d’une personne encore vivante, Andrée Ferretti contourne habilement le problème en proposant un clin d’œil taquin aux populaires biographies non autorisées misant sur le caractère licencieux des révélations. Elle nous invite à parcourir un document hybride bien plus intrigant encore. Tout est considéré ici à travers le prisme d’une auteure chargée de produire la biographie d’une dame réticente à se soumettre à l’exercice. En dépit des résistances du sujet principal lui-même, la biographe ne jette pas l’éponge et entreprend respectueusement de s’attaquer au roman de Fleur Després, faisant d’elle l’héroïne de l’histoire de sa propre vie imaginée. Ce Roman non autorisé est ce qui peut arriver de mieux quand sonne l’heure des bilans. Ayant l’avantage de préserver un garde-fou de pudeur, l’option retenue permet de jouer sur le point de vue à partir duquel nous est livré l’objet. Or la nature même du projet fait en sorte que l’auteure brouille les pistes : départager le véridique de la pure invention n’est pas si évident en effet.
Témoin des grands bouleversements sociopolitiques du dernier demi-siècle, Andrée Ferretti hélas n’échappe pas à l’écueil didactique, et ce, au détriment de l’illusion romanesque souhaitée. Une hésitation persiste entre le documentaire historique et le récit purement littéraire. Comme si l’on avait mis au jour un manuscrit jauni dormant dans une malle, on découvre des dialogues boursouflés, une manière ampoulée qui sacrifie le naturel de la forme aux caprices d’un style emphatique se voulant littéraire à l’excès.
Au-delà de cet irritant d’ordre formel, on est séduit par la lucidité des observations et l’intelligence toujours sémillante de l’auteure. Le regard, si pénétrant (elle se présente comme reporter-photographe…), sait débusquer la beauté tapie dans le plus trivial. Profonde humaniste, Andrée Ferretti expose les éclairs lumineux d’une pensée moderne, avant-gardiste pour l’époque. Sa fougue romantique fait éclater les tabous sclérosés. Résultat : une existence assumée, intense, chaque relation étant marquée par l’incandescence d’une braise ardente. On y apprécie un appétit emballant pour la vie libre qui rend plus émouvante encore l’urgence d’écrire cet ouvrage-legs.