Originaire du quartier Saint-Sauveur, dans la basse-ville de Québec, Lyne Richard célèbre 30 ans de publications en faisant paraître son dixième recueil de poésie.
On peut voir dans cette constance la marque d’un engagement profond envers l’écriture et ses mystères. L’auteure, qui habite à nouveau le quartier de son enfance, a aussi publié trois romans et quatre recueils de nouvelles. Son précédent ouvrage, Prismacolor no 325, avait reçu le Prix de création littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec.
Malgré la discrétion légendaire de Lyne Richard, le temps lui a donné des lecteurs de plus en plus nombreux et fidèles. Avec À même le ciel une traversée plus lente, ils retrouvent la voix singulière d’une femme dont la vie est la matière première de l’œuvre.
Le recueil s’amorce avec les mots de Geneviève Amyot : « Je ne comprends pas ce qui est arrivé à ce corps. Quel désordre inouï s’en est emparé ». La citation, ici, ne joue pas simplement le rôle d’exergue, elle commence le livre, ouvre la voix à ce qui va se dire dans les pages suivantes.
Dès les premières lignes, Lyne Richard évoque l’errance « parmi les disparitions » et parle de « cet indomptable mouvement vers la fin ». Elle rappelle qu’on ne connaît « ni l’heure ni la date », on sait seulement « que demain rétrécit ». Le temps se raccourcit, le souffle vif de l’écriture déroule la voie du poème, ce vaste chemin que les mots reconnaissent et empruntent pour se rendre jusqu’à nous. Le lecteur devient, à son tour, un errant parmi les disparitions.
Pour parler de cette expérience du vieillissement, Lyne Richard a recours au tu. Comme si, avec ce corps dont « la chute est infinie », une distance était nécessaire. Ici, vieillir est un verbe qui se conjugue parfaitement au présent. Il fait aussi surgir son lot de souvenirs autour des amours et de l’enfance.
Le poème, chez Lyne Richard, ne se déploie pas dans une volonté de créer des effets, de choquer ou d’éblouir. L’auteure nous invite, avec humilité et dans une grande maturité d’écriture, à participer à une sorte de dictée intérieure sur l’expérience du vieillissement.
On prend plaisir à souligner au crayon à mine des images fortes qui mettent en mouvement l’imaginaire : « les lampions / forment des troupeaux / de flammes galopantes », « ton cœur se bourre de paille », « tu ajoutais à l’invisible / le bégaiement de ton histoire » ou encore « tu ne remues rien / qui pourrait découdre le jour ».
Et voilà qu’avant de tourner les dernières pages, on retrouve le plus court poème du recueil. Il est peut-être celui qui se prolonge le plus longtemps en nous : « au bout du voyage / pourras-tu puiser / à même le ciel / une traversée plus lente ».
Lyne Richard nous donne ce livre ouvert à accueillir la fragile lumière de vivre et nous offre la beauté en réparation. À nous de le prendre dans nos mains et de l’ouvrir à notre tour.