Le colonel péruvien Juan Mauricio Fuentes, à la retraite dans son village, Sagrado Corazón de los Andes, a reçu une lettre l’informant du décès de son frère jumeau dont, à 75 ans, il ignorait l’existence même. Un billet d’avion pour le Canada, 300 dollars et la photo de 2 bambins identiques sont inclus dans l’enveloppe.
Dès sa descente de l’avion à l’aéroport régional d’Aiguebelle-les-Mines, en Abitibi, région de l’or et du cuivre, Fuentes est saisi par « un ciel de fin du monde ». Il ira de stupéfaction en stupéfaction lors de ses déplacements et des rencontres susceptibles de l’éclairer sur ce frère jumeau, feu Michel Boileau, à qui il ressemble à s’y méprendre, au dire des citoyens, et dont la mort reste inexpliquée. Michel Boileau était un grand philanthrope et aussi le cerveau des opposants à la compagnie Potworny, propriétaire d’une mine. Fuentes se retrouve bientôt ballotté entre les capitalistes défenseurs de la mine Potworny, créatrice d’emploi et agent de développement économique, et une population victime de maladies graves et d’un environnement en constante dégradation. L’ex-militaire péruvien assiste, ébahi, aux manifestations les plus extravagantes de cette population au paroxysme de la colère.
N’était-ce de la tonalité, on pourrait y voir un roman engagé qui dénonce les effets néfastes des mines en Abitibi, même si Aiguebelle-les-Mines est une ville fictive. Le romancier, inspiré par la littérature sud-américaine, colore son roman de rocambolesque. L’histoire loufoque de la fondation du village de Sagrado Corazón de los Andes, imaginaire lui aussi, et celle des tantes Charlotte et Pénélope, parfaites francophiles qui ont élevé en français et bercé le jeune Fuentes au son de chansons françaises, en sont des illustrations. L’intrigue se ramifie, digresse, passe du Pérou à la ville d’Aiguebelle-les-Mines, pour tantôt retracer l’existence de Michel Boileau, alias Mike Drinkwater, et de sa compagne dite « la Sorcière » ou raconter les complots et collusions qui agitent la ville minière. Bref, une histoire où s’accumulent un flux de péripéties narrées dans une langue logorrhéique, où l’onomastique est pittoresque. Le mystère initial au sujet des jumeaux n’est résolu qu’à la fin. Un roman, donc, où le suspense côtoie la légèreté sans masquer les thèmes politiques liés à l’environnement.
La composition du Voyage de Fuentes laisse entrevoir l’expérience d’un auteur également caméraman, scénariste et réalisateur, lequel a obtenu le prix Robert-Cliche en 1990 pour Les lièvres de Saint-Giron.