Un rappel sur l’auteure : Monia Mazigh est d’origine tunisienne, établie au Canada depuis 1991, mariée à un homme venu de Syrie, mère et auteure de cinq livres.
Pourquoi ce rappel ? Parce que les 26 courts textes de ce livre (dont certains sous forme de poèmes), un pour chaque lettre de l’alphabet, touchent beaucoup à son vécu d’immigrante, à des souvenirs inspirés de la Tunisie, à des événements se situant en Syrie.
Tous habités par une sensibilité commune, soit l’expérience liée à l’immigration, à l’exil, au déplacement forcé vers un autre pays comme le Canada.
Ces migrations, ce sont autant d’histoires de déracinement, à cause de la guerre, sinon pour des raisons politiques, ou personnelles, à un moment où le seul espoir d’une vie digne et meilleure est dans le départ, soit de manière directe vers sa nouvelle terre promise, soit avec une attente, longue et complexe, dans un camp de réfugiés.
Un exil où, même une fois sur place, dans le pays d’accueil, si dissemblable de l’environnement de l’enfance, l’immigrant devient un autre dans les yeux de plusieurs et son rêve d’une nouvelle vie se traduit bien souvent par une aventure pas toujours simple et fluide.
On sent chez l’auteure la nette volonté de donner à l’immigrant – au réfugié comme à l’immigrant ordinaire, qu’elle a elle-même été – une humanité, une voix. Un désir ferme de parler, avec une langue recherchée et soignée, de leur cheminement, de la légitimité de leurs déchirements identitaires, pour que ces parcours, tout individuels qu’ils soient, ne tombent pas dans l’oubli.
Un effort essentiel dans ce monde où les migrations, et leur caractère souvent tragique, sont à la hausse mais qui, dans le même temps, sont devenues un enjeu clivant dans les sociétés riches, de plus en plus tentées par une certaine forme de fermeture.