Né au Québec dans les années 1950 d’un père français et d’une mère « canadienne-française », l’auteur entretient un lien étroit avec la France. Il nous livre ici un petit ouvrage au titre humble qui butine un peu partout.
Le titre laisse entendre que les propos tenus seront proprement subjectifs, voire personnels. Ils le sont en partie, mais l’auteur a tout de même pris la peine, sur certaines questions, de choisir un interlocuteur privilégié – un spécialiste, ou alors un informateur sur place – pour exposer son sujet dans un style plus journalistique ou anecdotique. Quant aux chapitres où il s’implique personnellement, ils entrent dans deux catégories : l’auteur parlera parfois de son expérience personnelle – rappelons que la moitié de sa famille demeure en France – et parfois il jettera plutôt sur le thème traité un regard inspiré d’une carrière qui a essentiellement flirté avec les relations internationales canadiennes.
On aura compris qu’il y a ici parti pris pour la France. Celle-ci en a bien besoin, à une époque où elle a elle-même du mal avec sa propre image. Le dernier chapitre, « Une grande puissance », est particulièrement éloquent à cet égard. L’auteur y prend le contre-pied d’un discours dominant chez nos cousins selon lequel le pays, autrefois un grand empire, serait aujourd’hui ravalé au rang des « puissances moyennes ». Or, rappelle-t-on ici avec conviction, la France « dispose de la deuxième armée opérationnelle au monde », dont « 15 % des effectifs sont déployés à l’extérieur de l’Hexagone ». Sur le plan économique, Jocelyn Coulon cite La Croix, selon qui cette nation « qui pèse moins de 1 % de la population mondiale […] produit, chaque année, plus de 3 % de la richesse mondiale ». Enfin, sur le plan du soft power, la France « est la première destination touristique, elle dispose […] du deuxième contingent de fonctionnaires [aux] Nations Unies, […] de la seule langue, avec l’anglais, utilisée officiellement dans la plupart des institutions internationales et, enfin, d’une importante diaspora ». On laissera le lecteur ajouter à ce panégyrique les bémols qu’il juge appropriés – ou non.
Dans l’ensemble, les sujets abordés ne manquent pas de diversité : des Gilets jaunes au système de santé, en passant par l’envahissement de l’anglais, la politique intérieure, la fascination exercée par la littérature (… et par la monarchie anglaise !) ou le rapport avec l’histoire (incontournable colonialisme), ou avec l’Europe, l’auteur fait un tour d’horizon édifiant pour quiconque connaît peu le pays de Macron et souhaite se mettre à jour.
Il y est aussi question bien sûr des relations avec les Canadiens/Québécois… et le livre s’ouvre d’ailleurs sur ce sempiternel quiproquo entre ces deux appellations. En effet, bien qu’ils nous connaissent de mieux en mieux, les Français s’entêtent à nous appeler Canadiens la plupart du temps. « Cela donne parfois des situations aussi cocasses que celles dans lesquelles le détective Hercule Poirot se retrouve lorsqu’il doit constamment répéter qu’il n’est pas Français, mais Belge. » Par ailleurs, un chapitre est évidemment réservé à « La ‘nouvelle’ Nouvelle-France », où il résume l’histoire de l’immigration française sur notre territoire. On pense spontanément aux deux extrêmes de cette histoire, soit la colonisation des XVIIe et XVIIIe siècles, d’une part, et la concentration de Français qu’on observe sur le Plateau-Mont-Royal aujourd’hui, mais qui sait ce qui s’est passé entre les deux ? Sans entrer dans le détail, le petit historique de Jocelyn Coulon s’avère instructif.
Pour en rester au regard posé par la France sur le Canada, on sent notamment que l’auteur a éprouvé un malin plaisir à prendre en défaut l’analyste du Monde diplomatique qui, en 1998, a signé un long article sur la situation constitutionnelle du Canada marqué au sceau de la cuistrerie et truffé d’erreurs factuelles. Ne boudant pas son plaisir, Coulon a pris la peine d’interroger non pas un, mais trois constitutionnalistes canadiens pour bien planter les clous dans le cercueil d’Edgard Pisani, constitutionnalistes dont les réactions « ont oscillé entre la stupeur et la colère ». Au-delà de l’anecdote et de son long contre-exposé, Coulon conclut avec une réflexion fort pertinente où il s’interroge sur la fiabilité de ce qu’on lit au sujet des autres pays – ceux qu’on ne connaît pas soi-même – dans « les publications occidentales », d’autant plus que Le monde diplomatique n’est pas le moins bien coté en la matière !