Le premier roman de l’autrice shawiniganaise n’est pas sa première incursion dans les littératures de l’imaginaire. Celles-ci constituent en fait son domaine de prédilection puisque, depuis une douzaine d’années, elle a fait paraître de nombreuses nouvelles noires et fantastiques dans des revues spécialisées. Le recueil Servitude, publié en 2020, en regroupait d’ailleurs quelques-unes.
Le mot latin venefica désigne une « femme qui empoisonne ». La sorcière Canidie, chez Horace, était précisément qualifiée de venefica. Chez Raphaëlle B. Adam, on a plutôt affaire aux toxines, des femmes qui tiennent à la fois du vampire, de l’ogresse et de la mante religieuse. Lorsqu’elles partent chasser, elles se font accompagner par une complice, une femme très séduisante appelée fleur, qui piège la victime (mâle ou femelle) au moyen de phéromones enivrantes. Une sève paralysante, présente dans les veines des toxines, permet ensuite à ces dernières d’achever le rituel de séduction. Ces chasseresses anthropophages forment une sororité appelée la Floralia, gouvernée par une caste d’anciennes appelées les Aethuses. Or, comme c’est souvent le cas dans les histoires fantastiques, le récit suit le parcours d’un personnage qui s’inscrit en faux contre l’ordre dont il fait partie. C’est ce qui se produit avec Catopsis, jeune toxine qui répugne à tuer et à se repaître de chair humaine. Les circonstances la mettent bientôt en relation avec une ex-toxine, Népenthès, et une communauté de villageois opposés à la Floralia. Au prix de grandes douleurs, Catopsis découvrira qu’un sevrage est peut-être possible.
Joliment écrit et imaginé, Venefica peut aussi se lire au second degré, comme le récit des luttes et des sacrifices qu’une jeune femme doit consentir pour parvenir à se conquérir elle-même. Il s’agit du quatrième titre de la collection « La tête ailleurs », lancée en 2020 par Tête première afin de promouvoir « l’émancipation des catégorisations de genres et de sous-genres ». Avec la fin ouverte sur laquelle nous laisse la romancière, il ne serait pas surprenant que Venefica soit suivi par d’autres histoires de toxines – ce dont il faudrait se réjouir puisque Raphaëlle B. Adam maîtrise de toute évidence le registre fantastique.