Nouvelliste expérimenté (sept recueils publiés entre 1988 et 2019), l’auteur emprunte pour la première fois les voies du récit pour raconter une disparition bouleversante.
Elle aura certes été précédée par la mort du père et de la mère, par celle d’un plus jeune frère ou même par celle du chien Prune. Pourtant, la disparition d’Alain, le frère aîné, n’est comparable à aucune autre. D’abord, parce qu’elle entraîne le narrateur, sa conjointe Christiane ainsi que Carol, le compagnon d’Alain, dans un processus d’accompagnement chargé d’émotions. Ensuite, parce qu’elle vient brutalement préfigurer, pour ce même narrateur, le sentiment de sa propre fin. Atteint d’un glioblastome (une tumeur inopérable au cerveau), Alain décide de mourir chez lui, dans sa maison tricentenaire du rang Saint-Roch, à Saint-Baba (Saint-Barnabé), en Montérégie. Il a demandé l’aide médicale à mourir. En attendant la date fatidique, fixée au jour de l’anniversaire de Carol, Alain entend profiter jusqu’à la fin des petits bonheurs de la vie. Il ne se lasse pas d’écouter le Miserere d’Allegri. Il s’émerveille devant Les villes de papier, l’ouvrage de Dominique Fortier que lui lit le narrateur et dans lequel un propos autobiographique se greffe à la biographie de la poète américaine Emily Dickinson. Il se délecte des biscuits que lui concocte sa filleule Marie-Laurence. Il plaisante, veille à ce que la chatte Kedi reçoive ses gâteries, se montre serein et rassurant. Tout ira bien. Alain a eu une bonne vie, remplie d’heureux souvenirs, notamment ceux de ses nombreux voyages en Asie. Il s’agit maintenant d’accepter que tout doive prendre fin, que l’avenir s’écrive sans lui. Or, cette acceptation semble moins poser de difficulté au cancéreux qu’à ses proches, confrontés au vide que laissera son absence. D’où ce sobre et poignant récit au tu, tiré du carnet tenu au jour le jour par le narrateur. La mort a beau être le sort dévolu aux vivants depuis que le monde est monde, on ne s’habitue jamais à elle. Elle est l’éternelle intruse, venant contredire l’impression que nous conservons en dépit de toute logique qu’elle ne nous concerne pas, qu’elle n’emporte que les autres.