Ouvrage finement tissé où s’entrecroisent habilement faits réels et fiction, dans une écriture relevée et une traduction soignée.
Au centre, le personnage controversé de Leni Riefenstahl, la cinéaste allemande des films consacrés à Hitler et à son régime ; à sa poursuite, Martha, la fille fictive de la Tsigane Anna Krems, libérée du camp de Maxglan (près de Salzburg, en Allemagne), le temps de servir de doublure à Leni lors du tournage de Tiefland en 1941.
La narratrice, Martha, biologiste marine de 39 ans, s’est proposée comme guide accompagnatrice de Leni Riefenstahl, 100 ans, venue plonger une dernière fois aux Maldives pour photographier les espèces sous-marines. Martha a fait sienne l’histoire tragique de sa mère et nourrit une haine profonde à l’égard de celle qui a trahi les Tsiganes du camp de Maxglan, les y renvoyant après les avoir utilisés comme figurants dans son film. Elle sait tout de cette femme que l’on dit aux cinq vies, car elle fut successivement danseuse, actrice, réalisatrice, photographe et, depuis ses 70 ans, plongeuse. Au cours de leurs descentes dans les profondeurs océaniques, Martha s’adresse à Leni dans un discours intérieur accusateur soulignant son égocentrisme et les maintes occasions où elle a manifesté son absence d’empathie. Le désir de vengeance la frôle de près. Dans le silence des profondeurs, Martha fait le procès de cette femme qu’elle juge nazie par sa conception du monde où elle-même et ses œuvres sont constamment mises de l’avant au détriment de tout le reste. Un procès, sans avocat de la défense.
Immersion se lit comme un roman à suspense, ne livrant les informations que petit à petit. Sa composition d’éléments réels et fictifs imbriqués est remarquable. Roman remarquable aussi par ses six chapitres numérotés qui, en exposant des faits et des citations, permettent de caractériser le personnage historique de Leni et de le situer dans l’entourage d’Hitler. La description des techniques de plongée sous-marine, des comportements et caractéristiques des espèces marines rencontrées comme des techniques photographiques des milieux marins a aussi de quoi susciter l’intérêt et l’admiration. Une belle découverte pour les francophones que cet auteur reconnu en Italie et traduit en français pour la première fois : Emiliano Poddi.