En Allemagne, un Festschrift se définit comme un recueil de textes rédigés par d’anciens étudiants pour faire plaisir à un universitaire particulièrement apprécié, après une longue carrière.
Les Mélanges substantiels s’apparentent à un Festschrift pour Bruno Roy (1943-2010). On peut affirmer que Bruno Roy a fait école dans le domaine de l’histoire de la chanson au Québec, comme le prouvent les hommages sentis de ses nombreux amis et continuateurs rassemblés ici, formant une sorte de famille adoptive et élective. D’ailleurs, Nuit blanche avait rendu hommage à Bruno Roy pour son essai sur L’Osstidcho ou le désordre libérateur et pour sa magnifique anthologie illustrée rassemblant Les cent plus belles chansons du Québec (numéros 112 et 118). Le contenu semblera hétéroclite ; ce n’est pas tant un livre sur Bruno Roy, mais les textes réunis rassemblent les choses que l’écrivain aimait : quelques poèmes brefs (de Fernand Ouellette, Jean-Paul Daoust), des textes sur la chanson nationaliste québécoise (dont une étude sur Pauline Julien écrite par l’universitaire français Louis-Jean Calvet), des paroles de la chanson « Dans nos silences » de Richard Séguin et Marc Chabot, mais également des morceaux rédigés expressément pour lui rendre un bel hommage posthume. On trouve aussi un hymne national du Québec – intitulé « Ô Kébèk » – écrit et composé par Raôul Duguay. Bruno Roy avait exprimé son admiration pour cette œuvre exaltée ; sa lettre inédite adressée à Duguay est ici reproduite.
Sociologue et auteur de sept livres étoffés, en plus d’avoir collaboré à plusieurs tomes du Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Jean-Nicolas De Surmont fait partie de ces chercheurs aguerris qui – tout comme le démontrait Bruno Roy dans sa thèse de doctorat – considèrent la chanson québécoise comme un vecteur de l’identité nationale, comme un révélateur de la spécificité du Québec : de sa langue, de ses appartenances, de son imaginaire collectif. Spécialiste de la chanson, De Surmont a réussi un ouvrage rigoureux (comptant plus de 400 notes de bas de page), bien documenté, sensible, diversifié et équilibré, à l’image de la polyvalence – et de l’engagement – de Bruno Roy. Sur le plan éditorial, il n’est pas toujours facile d’identifier les auteurs respectifs de chacun des textes successifs, au fil des sections ; par exemple, pour « Le pont entre générations et nations », on ne mentionne pas sous le titre qu’il s’agit d’un discours patriotique de Raôul Duguay. Il faut se référer à la table des matières pour s’en assurer. Mais on aurait tort de réduire ces Mélanges en l’honneur de Bruno Roy à une biographie (ce n’est pas le cas) ou à un hommage destiné uniquement aux émules d’un grand poète et essayiste. Ce collectif de la continuité devrait faire partie de toute bonne collection d’ouvrages de base sur le Québec et se trouver sur les tablettes des bibliothèques publiques, car il permet de bien comprendre – plus largement – ce que le mot Québécois veut dire. Quelque chose comme un grand peuple.