En 1983, la onzième Rencontre internationale québécoise des écrivains (L’Hexagone, 1984) s’ouvrait par une conférence du sociologue Fernand Dumont sur le thème « Écrire l’amour ».
Quarante années plus tard, une nouvelle génération de quinze Québécois s’interroge sur ce sujet vieux comme le monde, et les discours qui en émanent aujourd’hui révèlent une conception significativement différente. Le contraire serait étonnant.
Ça commence plutôt mal : la première phrase du livre contient une faute de syntaxe et un sacre, concentrés en une seule ligne. Où sont partis les éditeurs compétents ? D’emblée, la présentation martelée par Marilyse Hamelin annonce le programme, et il faudra s’atteler. En effet, on y trouvera pêle-mêle « […] plusieurs remises en question de l’amour romantique : rejet des relations toxiques, potentiel fécond et égalitaire du célibat et de la coparentalité, éclatement des orientations romantiques, en plus de sexuelles, revalorisation de nos amitiés, de l’amour-propre, des animaux, des lieux, du foyer, et de la transmission ». Les textes qui se succèdent sont introspectifs, égocentriques, parfois passionnés ou tourmentés, souvent indignés, voire enragés, mais rarement touchants – plutôt symptomatiques d’un certain désarroi et révélateurs d’un malaise profond. Pour paraphraser et diagnostiquer – et rectifier – un sacre qui revient fréquemment dans ce livre (et aussi sur la quatrième de couverture) : on dirait que les amoureux échaudés ayant écrit ces textes sont en crise. Stylistiquement, nous sommes plus près de l’écriture spontanée, du blogue ou du texto, apparemment sans relecture. Les sujets abordés sont tous pertinents, mais ce qu’on en dit est trop souvent inintéressant.
Cependant, on trouve – fort heureusement – trois essais qui contrastent avec le désert littéraire ambiant, et ces trois textes de qualité sont dispersés dans la dernière moitié. D’abord, Carmélie Jacob commente en des termes presque théoriques ses lectures sur le polyamour et critique certains termes à la mode comme l’autre signifiant. Le titre du second texte qui se distingue semblera prosaïque : « Maison et madriers ». Soigneusement, un peu comme dans une nouvelle, Anne Peyrouse évoque ses ports d’attache, ses souvenirs d’enfance qui prennent dorénavant un autre sens (« mes Alpes »), la famille dont elle est issue et celle qu’elle s’invente. Plus loin, dans « J’aime la vie », Michèle Nicole Provencher décrit des tendances (comme le ménage à trois, renommé trouple) que l’on peut observer dans l’environnement urbain en mutation du Mile End, ce quartier montréalais « […] qui fut, avant d’être gentrifié, le royaume de l’esprit libre et des bagels, repaire des polyamoureux, des trouples et des personnes non binaires […] ». Cette toile de fond l’amènera à une conclusion, plutôt sereine : « J’aime la solitude ».
Ces quinze essais sur les tumultes de l’amour se terminent abruptement. On sort meurtri de cette lecture parfois laborieuse, quelquefois pénible, assommé par tant de lieux communs. On espère toujours un ouvrage qui proposera l’esquisse d’une théorie de l’amour, sujet amorcé dans le texte de Carmélie Jacob sur le polyamour.