Mickaël Bergeron, chroniqueur au journal La Tribune, est l’auteur de La vie en gros. Regard sur la société et le poids (2019) et de Tombée médiatique. Se réapproprier l’information (2020).
Avec Cocorico. Les gars, faut qu’on se parle, l’auteur pointe du doigt tout ce qui va de travers chez les gars, en particulier dans leurs liens avec les femmes, mais aussi avec eux-mêmes, leur corps, leurs émotions. Une trentaine de chapitres abordent différents aspects : la masculinité toxique, la violence, la sexualité, l’homophobie, les crimes et intimidations sexuels, la culture du viol, la pluralité des modèles masculins, etc.
Bergeron a souvent recours à des exemples tirés de populaires séries télévisées pour illustrer ses propos. Mentionnons le personnage de Michael Scott dans The Office qui, sous la pression sociale, s’efforce de dégager une image de mâle dominant alors qu’au fond de lui il n’est pas du tout ce genre de type. Les personnages qu’incarne au cinéma Dwayne « The Rock » Johnson, censés représenter le mâle amélioré, ne seraient guère mieux puisqu’ils continuent tout autant à s’imposer dans une vision du mâle alpha contrôlant.
Bergeron plaint la sexualité masculine qui manque d’imagination. Après avoir rappelé les notions de respect et de consentement, après avoir mis en garde contre les messages véhiculés par la porno glorifiant stéréotypes et performances, il invite à sortir des sentiers battus et à ne pas considérer la pénétration/éjaculation comme l’unique voie menant à une relation sexuelle réussie.
Bien que je sois tout à fait en accord avec les propos tenus par Bergeron, quelque chose me turlupinait pendant ma lecture : ce livre est-il en phase avec les changements sociaux que nous vivons depuis quelque temps ? Les actualités témoignent encore d’actes de masculinité toxique, très certainement. Pensons aux initiations qu’ont dû subir de jeunes hockeyeurs de la LHJMQ, aux féminicides, aux manques de parité, aux stéréotypes, etc. Mais ces manières d’être anciennes et les discours qu’elles teintent sont vertement critiqués sur la place publique.
J’ai des doutes quand Bergeron écrit que la caricature de l’homosexuel (La cage aux folles, Jean-Lou dans La petite vie) a toujours cours. Quand il écrit qu’« il faut qu’on cesse d’applaudir les élans d’intimidation et de violence », on peut se demander qui donc encourage ouvertement aujourd’hui une telle éducation des garçons. Il me semble que le discours public ne cesse de dénoncer la culture de la masculinité toxique. Le supposé « vrai gars » à gros bras, qui ne pleure jamais et ne pense qu’à coucher, c’est le douchebag. Le mouvement #MeToo a quant à lui contribué à mettre un frein à l’impunité du harcèlement et des agressions sexuelles.
Bergeron interpelle « les gars ». Tous les gars ? L’auteur répond à la critique de la généralisation hâtive dans la partie « Pas tous les hommes ». Il ne croit pas que ça existe, des hommes qui ont toujours eu un comportement irréprochable avec des femmes. Il a sans doute raison. Mais le plus grave, à mon avis, c’est quand ces comportements deviennent une manière récurrente de se comporter chez des hommes qui pensent que c’est comme ça qu’il faut être.
Peut-être que je vis dans ma propre bulle et que personne dans mon entourage ne correspond au portrait négatif tracé par Bergeron. Pour être juste envers l’auteur, il faut souligner qu’il a écrit ce livre sur le ton qu’il emploierait « avec un ami autour d’une bière un vendredi soir ». Et pour être encore plus juste, oui, il y a encore bien des gars qui auraient besoin de se faire serrer les ouïes. On pourrait les obliger à lire ce livre, tiens.