Comme on le sait, les Autochtones avaient déjà désigné beaucoup de lieux-dits avec des mots très imagés de leurs langues ; pour nous, ces toponymes d’un autre millénaire sembleront souvent nouveaux, quelquefois difficiles à retenir, même s’ils correspondent en fait à des endroits familiers, comme le lac Saint-Jean.
Depuis 1976, la Société d’histoire et d’archéologie de Mashteuiatsh a inventorié plusieurs banques d’archives de la région du Nitassinan (ce qui veut dire « notre territoire » dans la langue nehlueune). La communauté de Mashteuiatsh n’est pas si loin de nous et, pourtant, beaucoup de Québécois auraient du mal à la localiser sans l’aide d’une carte : « [Elle] est située sur la rive ouest du lac Saint-Jean, à six kilomètres de la municipalité de Roberval ». Le mot Mashteuiatsh signifie « l’endroit où il y a une pointe ». Autrefois, on l’appelait d’ailleurs « la réserve de Pointe-Bleue ». Pekuakami est l’autre nom du lac Saint-Jean.
Comme dans les 69 titres précédents de la collection « 100 ans noir sur blanc », on trouve dans celui-ci environ 200 photographies datant d’il y a un siècle. Elles illustrent la vie quotidienne des communautés autochtones ilnuatsh, incluant Pekuakamishkueuatsh et la nation des Pekuakamiulnuatsh, que l’on identifiait autrefois sous l’appellation plus large de « Montagnais ». L’ouvrage se subdivise en sept chapitres thématiques axés sur l’habillement, les déplacements, une expédition de chasse, le logis et les tentements, la vie sociale et les fêtes ou, encore, l’occupation du territoire ainsi que les formes persistantes de nomadisme. Certaines photos montrent différents groupes, des écoles en construction, des voitures anciennes ou des machines agricoles d’un autre temps ; d’autres (datées de 1959 ou 1960) présentent la construction et l’inauguration du pensionnat autochtone de Pointe-Bleue, voulu et financé par le gouvernement d’Ottawa. Les quelques enseignes et affiches aperçues en toile de fond (comme celle du magasin de la Hudson’s Bay Co.) ne portent toutefois aucune trace de la langue nehlueune.
Les textes d’accompagnement – trop brefs – de Pierre Gill indiquent souvent les noms des personnes photographiées ou la date, mais rarement les deux en même temps. Certaines formulations des légendes au bas des photos sembleront maladroites ou trop vagues : « ce groupe d’individus », tenant quelquefois en seulement trois lignes. Les observations d’un ethnologue à propos des vêtements ou des parures auraient été les bienvenues. Dans le septième chapitre, la quinzaine de photographies prises par l’anthropologue Franck G. Speck, en 1911, n’ont malheureusement pas de légende ; ces images rares témoignent du mode de vie nomade des Innus. À l’évidence, toutes ces photographies exemplifient la vie quotidienne ainsi que l’hybridation progressive des cultures des Innus au milieu du XXe siècle. On découvre une nation relativement méconnue mais unifiée, tout à fait unique et incomparable, à la fois si éloignée et si proche de nous.