Son frère jumeau a été mortellement happé par un chauffard lorsque l’auteur avait six ans. Cela laisse des traces indélébiles. Traces ravivées, des années plus tard, lorsque le père meurt à la suite d’une chute de cheval. Très tôt, Garcin a dû apprivoiser la mort, l’écriture l’y aidant mieux que tout discours de compassion.
« Plus le temps passe et plus je crois à la présence des morts », confie Jérôme Garcin. Son second frère, né quelques années après le drame qui a bouleversé la vie familiale, est atteint du syndrome de l’X fragile, maladie génétique héréditaire qui se caractérise le plus souvent par un déficit intellectuel, un retard langagier et des troubles du comportement. Dépendant de son entourage, Laurent, le frère dont la venue devait mettre un baume sur la disparution du jumeau, vit dans son monde intérieur qu’il traduit dans des tableaux abstraits et très colorés, aux côtés de sa mère qui, elle, peint des paysages bucoliques pour adoucir ses propres tourments. En l’espace d’à peine six mois, tous deux décèdent, l’un de la COVID-19 et l’autre de vieillesse.
« J’avais un frère fragile, écrit en ouverture du récit Jérôme Garcin, et maintenant qu’il est mort, il me paraît plus fort. » Hymne à la vie, Mes fragiles n’a rien d’un éloge funèbre. Bien au contraire, il célèbre le souvenir de ceux qui, à tout instant, sous nos yeux, peuvent être emportés par un virus qui frappe aveuglément. Lui-même porteur du gène responsable de la fragilité de son frère, Jérôme Garcin sait, sans doute mieux que quiconque, que chaque journée vécue pleinement est le plus puissant antidote qu’il nous soit donné contre la peur de la mort. Car celle-ci sera au rendez-vous, c’est la seule certitude que nous ayons. À nous, avant qu’elle ne survienne, de vivre à la hauteur de nos espérances. D’aimer et d’être aimé, l’oubli se chargera du reste.