Le primoromancier Christian Granger, en panne d’inspiration pour écrire sa deuxième œuvre, décide de séjourner au Sanatorium, une résidence d’écrivains des plus bizarre.
Bizarre est l’endroit, bizarres sont les gestionnaires du lieu et encore plus bizarres, les auteurs éplorés qui y cherchent leur Muse.
Bref, un livre pour se faire plaisir.
En 26 courts chapitres, intitulés de A à Z, Suzanne Myre partage son délire et ses fantasmes plutôt rigolos en faisant sourire, et même carrément rire, ceux et celles qui plongent dans Le sanatorium des écrivains. Le protagoniste Christian Granger y raconte ses déboires récents, dont la rupture avec une énième douce quelconque, qui se prénomme Corinne, et avec son chat Conrad. « On était de très bons compagnons d’inertie, lui et moi, et mou, il l’était déjà de nature. La nuit les chats sont gris, le jour tous les chats sont mous, comme moi. »
L’écrivain désenchanté, commis de bibliothèque, paresseux et nonobstant riche héritier, ne tient pas la forme. S’il a bel et bien lancé son roman Né décoiffé il y a plus d’un an, il végète depuis et cultive sa haine envers David Foenkinos, qu’il n’a jamais lu et qu’il ne connaît pas. Il est vrai que « le Chroniqueur littéraire le plus redoutable du Quotidien le plus lu », son seul critique, avait dit de lui, après la publication de Né décoiffé : « Espérons que lui passera l’envie d’être le prochain David Foenkinos, un seul nous suffit ». De quoi haïr le célèbre Français.
Prenant le fatidique taureau par les cornes, Granger s’inscrit avec courage à cette résidence d’écrivains, où il rencontrera des artistes plus ou moins déjantés et trouvera, peut-être, l’âme sœur. « Le souvenir de cette érection, aussi légère eût-elle été, avait imprimé dans mon esprit la possibilité d’un égarement durant ce séjour censé n’être consacré qu’à la création littéraire et il m’obsédait. » Les choses se compliquant à merveille, les cadavres feront éventuellement leur arrivée et le roman se transformera en thriller. Alors que le mystère s’épaissit, Granger se prend en main pour devenir – enfin, pour essayer d’être – plus productif. « Je serais, tiens, un François Blais version urbaine ou un Élise Gravel pour les adultes, un Michel Tremblay à saveur de polar scandinave, un Heather O’Neill sans la pléthore de métaphores. »
Par amour, le héros accepte de faire ce qu’il a toujours jugé impensable et déclare à sa belle : « J’espérais que tu me prêtes un livre de Foenkinos. Ton enthousiasme m’a contaminé ». Ce à quoi elle répond : « Oh, ça me fait tellement plaisir. Les hommes sont rébarbatifs à sa littérature, ce qui m’est incompréhensible ».
Ainsi, page après page, humour, ironie et érudition se déclinent et se chevauchent pour le plus grand plaisir du lecteur.
Née à Montréal en 1961, Suzanne Myre a déjà été lauréate du Grand Prix littéraire de Radio-Canada, du prix Adrienne-Choquette et du Prix de la bande à Mœbius.