Trop licencieuse pour être intéressante ? Ou juste assez érotique pour plaire ? La grande qualité de l’écriture de cette autofiction débridée fait par ailleurs consensus.
Entre le désir au féminin et la difficile fréquentation des hommes, cette exploration de la libido était en lice pour plusieurs prix littéraires à l’automne 2022.
Dans La maison, paru en 2019, Emma Becker en avait fait défriser plus d’un en racontant comment elle s’était prostituée avec plaisir pendant trois ans dans une maison close de Berlin. Devenue la maman d’Isidore, l’autrice voulait alors s’interroger sur son nouveau statut de femme. « Je crois qu’au début, je voulais écrire là-dessus, sur le déchirement que c’est d’être mère et de n’être pas comblée pour autant. » Dans L’inconduite, un texte fourre-tout, elle poursuivra plutôt son analyse de la condition féminine, surtout de la conquête de la liberté sexuelle. Emma vit en couple depuis sept ans avec Lenny, le père de son fils, et ils se trompent allègrement l’un l’autre.
À peine trentenaire, la sulfureuse écrivaine persiste dans sa quête du bonheur et continue à sonder son rapport aux hommes, avec humour et insistance. Ne dit-elle pas de ceux-ci : « Qu’on me laisse parler de la façon […] dont ma volonté de les comprendre m’ampute de ma capacité à vivre lorsqu’ils sont là et qu’ils me regardent » ? Emma Becker enchaîne autant les relations masculines que les disputes de couple, et on s’y perd un peu. En plus du soi-disant mari Lenny, on croisera Jon, l’Anglais désœuvré, Gaspard, l’adulte plus âgé, Vincent, le réalisateur snob, Cecil, le chirurgien, et puis le financier Cody, etc.
L’autrice ne semble avoir ni affection ni considération – même minimales – pour ses conquêtes de l’autre sexe et on se demande quelle sera sa relation avec son fils quand celui-ci sera adulte. Est-elle lucide, égocentrique ou narcissique ? Elle n’est importante que pour elle-même. « Je pensais aux chattes que vous aviez vues ; je me demandais si la mienne vous rappelait quelqu’un, si mon nom accolé à l’image vous la rendait unique. »
Emma Becker est sans nul doute une lettrée ayant une vaste culture, mais son récit sans structure reste désarçonnant. La description d’une baise ressemble tellement à la description d’une autre baise, un effort de séduction à un autre, que les intrigues ratiocinées deviennent facilement répétitives. Audacieuses, certes, honnêtes, sûrement, mais répétitives.
Le constat de l’écrivaine que les femmes s’estiment encore trop souvent en fonction du regard des hommes est affligeant, mais semble tristement réaliste. Affirmer que ceux-ci méprisent toujours un peu celles-là, une évidence navrante. « Parmi toutes les techniques dont disposent les hommes pour ne pas être dérangés par les femmes, ce rire tendrement condescendant était celle qu’ils estimaient la moins insultante. »
On aimerait que Becker se trompe.