L’autrice est née en Saskatchewan. Elle a commencé son immersion en français à La Pocatière. Elle est maintenant correspondante à l’Assemblée nationale pour la chaîne de télévision Global News.
À ce titre, elle a à cœur de bien expliquer la situation politique du Québec, souvent mal comprise, au reste du Canada. Comment s’acquitte-t-elle de sa tâche dans son livre paru d’abord en anglais, en 2020, sous le titre Who Belongs in Quebec ?
Son livre porte avant tout sur tous les débats de société qui ont soulevé les passions ces dernières années : la montée de la droite, le projet de loi no 62, les meurtres à la mosquée de Québec, le racisme systémique, la baisse du nombre d’immigrants, la Loi sur la laïcité de l’État, l’Office québécois de la langue française, etc.
Raquel Fletcher aime beaucoup le Québec. J’ai sans doute mes propres biais qui m’inspirent les quelques remarques critiques qui suivent.
En parlant d’immigration, Fletcher ne mentionne pas que le Québec n’est pas entièrement autonome dans ce domaine. C’est même devenu patent ces derniers temps quand on s’est aperçu que de nombreux dossiers d’étudiants francophones d’Afrique avaient été bloqués par Ottawa. Elle fait preuve aussi d’une certaine naïveté face à la vitalité du français ici. Les travaux du chercheur Frédéric Lacroix, auteur de Pourquoi la loi 101 est un échec, montrent que le français au Québec acquiert lentement mais sûrement le statut de langue seconde. Malgré le haut taux de bilinguisme, un tiers de ceux qui sortent des cégeps anglophones ne sauraient travailler en français après l’obtention de leur diplôme.
Dommage que la critique québécoise du multiculturalisme et la question de l’interculturalisme, lequel doit ouvrir à la diversité tout en favorisant une culture de convergence, soient confinées dans une note en bas de page.
Curieuse aussi cette citation de Thierry Giasson de l’Université Laval pour appuyer le fait que le français n’est pas la seule raison de rester au Québec ou de le quitter. Elle le cite : « [Un] quart des 40 % d’immigrants venus de France sont partis ». Pourquoi ne pas écrire directement 10 % ? Mis à part le fait qu’il ne s’agit pas d’une donnée fracassante, il aurait été intéressant de savoir où ils sont partis : dans le reste du Canada ou retournés en France ?
Deux chapitres entiers sont consacrés à la tuerie de la mosquée de Québec, dont un au meurtrier. Elle en fait un portrait complet et détaille, heure par heure, son emploi du temps.
Lorsque l’autrice rappelle la défaite de Couillard, il est difficile de ne pas y voir un parti pris en sa faveur. La corruption au sein du Parti libéral ? Elle souligne les accusations de corruption sans rien développer. Pourtant, l’enquête Mâchurer sur le financement illégal du Parti libéral du Québec était en cours lors de la rédaction de son livre.
Malgré des nuances ici et là (la méfiance envers le religieux en politique depuis la Révolution tranquille), on sent son opposition à la loi 21. L’argumentaire des groupes en faveur de cette loi, qui représentaient la moitié des groupes présents à la commission parlementaire, est, pour ainsi dire, absent. On reste avec l’impression que la haine et l’ignorance des Québécois envers les étrangers demeurent un problème crucial.
Je ne déconseille aucunement la lecture de ce livre. À mon avis, il devrait même reparaître dans une édition augmentée qui tiendrait compte, entre autres, de la gestion de la pandémie et du Principe de Joyce.