L’auteure nous propose deux suites poétiques sous forme de haïkus. Le très beau titre s’inspire, dans une sorte de contraction, de l’intitulé des deux parties du recueil : « L’ombre envolée des oiseaux », évoquant le suicide de l’amoureux du premier grand amour, et « La pulsation des étoiles », rappelant le décès de la mère à la suite d’une maladie dégénérative apparentée à l’Alzheimer.
Soulignons qu’un pulsar est une étoile en fin de vie. Les poèmes avanceront donc autour du thème du deuil : « la nuit / au-dessus de son corps / une lumière flottante ». Et c’est par le haïku, cette poésie brève d’origine japonaise, que l’auteure explore l’existence de ses « proches disparus [qui] laissent derrière eux des traces vibrantes et furtives, comme l’ombre lumineuse du vol des oiseaux ». Il s’agirait dès lors de relever les traces et passer de l’ombre de la perte à la lumière de l’écriture : « lumière des tilleuls / éparpillée / par le vent ».
En général, quand on évoque le haïku, on s’attarde beaucoup à la forme. On souligne que ce bref poème se tient sur trois lignes, avec le sentiment d’avoir tout dit. Mais, ici, il faut également saluer l’approche, que l’on imagine patiente, de Nadine Boucher. Elle réussit à donner une forme véritable à l’amoureux et à la mère. Nous sommes dans la vie. Les haïkus de l’auteure tendent à « immortaliser » (dans ce contexte, le mot prend tout son sens) un instant qui aurait pu se perdre dans le cours des choses : « rétroviseur d’ambulance / la maison / rapetisse ». La disposition des deux suites poétiques, qui ressemblent à un récit, fait de ces poèmes des moments en mouvement. Rien n’est figé, on avance en lisant. Et cette avancée s’accomplit en spirale, l’auteure ne craignant pas les répétitions ni de revenir sur certains éléments. Ces répétitions, qui sont aussi des approfondissements, pourraient sembler inopportunes. Pourtant, elles s’imposent tels des refrains accompagnant la démarche de la poète.
Il y a de l’humilité vraie dans cette approche de la poésie. Le recueil nous invite à ralentir notre lecture, à ressentir les événements sur trois petites lignes : « four crématoire / tout au bout / le soleil se lève ». Les haïkus rythment ainsi le monde tel que vu par les mots. Par la simple notation des jours, ils redonnent de l’intensité à l’expérience vécue. On éprouve alors la tension entre la présence et l’absence.
Peut-être que l’image de l’herbier pourrait éclairer la composition du livre. On y retrouve cette volonté de recueillir ce qui a été le paysage de la vie de deux êtres aimés. L’herbier, tout comme le haïku, évite le bavardage. Il nomme ce qui est. Le haïku, c’est aussi ce qui n’est pas écrit. Il élague ce qui encombre trop souvent la pensée occidentale.
La quatrième de couverture nous apprend que Nadine Boucher, née à Québec en 1982, est doctorante en sociologie. Passionnée de la culture nippone, elle a animé des ateliers de langue japonaise. À l’ombre des pulsars est son premier recueil. L’authenticité et l’humilité de sa démarche nous font croire qu’il y aura une suite à cette œuvre.