C’est à une histoire dense, riche, à une épopée se déroulant au début du XXe siècle que nous convie le célébrissime écrivain de près d’une trentaine d’ouvrages.
L’histoire se situe dans les deux pays de prédilection de Khadra : l’Algérie, son pays d’origine, et la France, son pays d’adoption. Elle débute dans un village perdu d’Algérie, sans nom, où les habitants ne font que survivre, sous un soleil de plomb le jour, sous un froid polaire la nuit. À la suite de la fourberie d’un notable appartenant à une société féodale où les puissants se croient tout permis, Yacine est envoyé comme fantassin de l’armée française pour combattre les Allemands, les « Boches », lors de la Première Guerre mondiale. Avec quelques compagnons algériens, il survit avec courage à la boucherie que sera cette guerre, décrite finement, avec beaucoup de talent et de réalisme par l’auteur.
Alors que l’on s’attend à se faire raconter la suite de la vie de Yacine en France après 1918, celui-ci, comme nombre de ses compagnons de guerre, revient en Algérie. Son premier désir : retrouver les membres de sa famille – ses parents, ses deux frères et ses quatre sœurs –, dont il n’a pas eu de nouvelles pendant les quatre ans du conflit. Mais ils ont disparu. La suite tourne autour des efforts herculéens du valeureux Yacine afin de les retrouver. Ce roman est en effet centré sur la disparition des êtres chers et la volonté de les retrouver en ce début du XXe siècle limité par les moyens de communication rudimentaires de l’époque, bien différents de ceux d’aujourd’hui.
Yacine connaît un parcours inattendu. Il sera à la fois employé compétent d’un commerce de tissus bien en vue d’Oran et complice d’une opération de rébellion fomentée au cœur du Sahara contre l’occupant français. Ce seront finalement de dures aventures, d’une violence injuste et arbitraire, mais aussi remplies de moments uniques et faites de rencontres d’une touchante humanité. Le tout dans un décor bien posé, celui d’une Algérie encore tribale mais en train de s’urbaniser.
Yasmina Khadra a dit des Vertueux qu’il aura « mis 40 ans pour aboutir à une œuvre pareille ». De la part d’un auteur aussi prolifique, approchant maintenant les 70 ans, c’est une déclaration qui ne laisse pas indifférent.
Chose certaine, même pour celui qui n’a pas lu tous ses récits, le plaisir profond ressenti à traverser cette bouleversante odyssée nous porte amplement à croire à son caractère unique. On ne peut passer sous silence les derniers chapitres, émouvants, remuants, un tour de force d’écriture, qui apparaissent comme le testament spirituel d’un des plus grands écrivains de notre temps.