Voyage dans le temps, de 1976 à 1981, voyage dans l’espace, de Montréal à l’île de Vancouver. Loin de leur quotidien de jeunes mariés, en plein voyage initiatique, Gabrielle et Philippe sauront-ils affronter leurs démons ? Leur échappée en train pourrait leur permettre de se définir, puis de se redéfinir.
La primoromancière Maryse Parent a été journaliste scientifique, puis conceptrice-rédactrice en agence de publicité avant de publier un collectif d’écriture. Dans Le train s’arrête toujours quelque part, elle raconte combien un certain voyage d’exploration – fait il y a fort longtemps – a été décisif autant pour elle que pour le couple qu’elle formait alors. C’est du moins ce que le lecteur pense décoder de l’exergue introductive à ce qui semble être une autofiction, soit une citation de Boris Cyrulnik qui se termine par « aller de l’avant tout en gardant la mémoire de sa blessure ».
Le voyage ne forme-t-il pas la jeunesse ? Les Byron, Goethe, Lamartine ou Stendhal l’avaient bien compris, eux qui se sont investis chacun dans un Grand Tour. Dès la fin du XVIIe siècle, cette pratique incitait les jeunes Européens à aller parfaire ailleurs leurs études et leurs apprentissages, particulièrement en Grèce et en Italie.
Moins exotique, le voyage en train de Maryse Parent se déroule au Canada. Le roman commence en 1976 à Montréal, là où travaille Gabrielle, qui habite chez ses parents à Mont-Saint-Hilaire. La relation qu’elle entretient avec eux est houleuse : « Ils me font pitié. […] Qu’auraient-ils d’intéressant à me dire ? » La jeune fille rêve de fuir la banlieue, de s’échapper de ce milieu pour elle étouffant.
Peu après avoir rencontré son grand amour, tout se bouscule. « Le mariage avait été décidé trop vite », analyse-elle rétrospectivement, mais elle y avait alors « entrevu enfin l’occasion de sortir de cette prison de verre ». Gabrielle et Philippe s’installent à Verdun, dans « ce quartier ouvrier […] mais quand même sympathique ». Trois ans plus tard, leur vie à deux a perdu de son charme et partir en voyage de noce, ce qu’ils n’avaient pas encore fait, semblait une bonne solution à leur marasme. Leur chemin vers les eaux du Pacifique sera inévitablement parsemé d’embûches.
Acte 1. Dès le premier arrêt à Toronto, le bref séjour chez le cousin Étienne se passe très mal. Rien ne va plus. Philippe « veut fuir le regard de Gabrielle dorénavant. Un lien s’est brisé ».
Acte 2. Leur camping sur une plage de l’île de Vancouver, en compagnie du charismatique Simon rencontré sur le traversier, ne se déroule pas comme souhaité. Que s’est-il passé ? « Philippe tient la main de Gabrielle comme on tient la laisse d’un chien. »
Acte 3. À Banff, sur le chemin du retour, Gabrielle se rend à l’évidence : il n’y a plus rien entre Philippe et elle. « Comment en finir avec cette impression d’être de trop dans sa vie ? »
Le voyage est terminé, le moment est venu de faire les comptes. « Pourra-t-il vivre encore longtemps avec elle, en se mentant au quotidien ? », se questionne Philippe. Sans surprise, Gabrielle réagit et rétorque : « J’ai quitté Philippe sans me retourner ».