Bordel‑Station est un roman d’initiation. Jean‑Pierre, étudiant en droit, toujours puceau, a dix‑neuf ans lorsqu’il descend du train. Son papa lui a dégoté un emploi de garde forestier dans un bled perdu entre La Tuque et Sanmaur. Il est content, son papa, fiston va faire ses classes et connaître la « vie rude et vivifiante des bois ». Jean‑Pierre, lui, envie tous ceux qui ont le bonheur de se trouver ailleurs. N’importe où ailleurs.
Mais cela, c’est avant de découvrir l’hôtel qui a valu à la petite gare son surnom de Bordel‑Station. C’est avant de découvrir la belle Lili. Profession : travailleuse du sexe, qui aime ouvrir les jambes non pour ce que ça rapporte, mais parce que c’est donc beau en soi. C’est avant de découvrir la non moins belle Carole, chatte sauvage, au passé plus lourd que la précédente, dont le cœur et le sexe sont à reconquérir. Si Jean‑Pierre s’est toujours imaginé que sa première expérience se déroulerait hors des projecteurs, à l’insu du reste de l’univers, enrobée de fanfreluches, de grands sentiments et d’amour éternel, Émeri Dugal et Madame Rose ont tôt fait de le détourner de ces « niaiseries‑là ». Pour celui qui, au départ, ne pouvait concevoir n’être qu’un numéro pour celle qu’il aurait choisi d’aimer, un garçon qui n’avait jamais été plus loin que les baisers, les enlacements mal assurés, le voilà bientôt soûl de fantasmes. Progressivement, au cours de ces quelque 120 pages, c’est une nouvelle conception de la vie (sexuelle) qui se forge. Dans cette forêt où, apparemment, le travail vient à manquer, le ventre de Jean‑Pierre fend de désir pour ces deux prostituées. Seule la réalité du bordel persiste, cette nouvelle vie qui sue d’odeurs d’amour. Si Jean‑Pierre est parti naïf de chez lui, c’est transformé, voire corrompu, sentant l’amour à plein nez et beaucoup moins carriériste qu’il revient chez lui.
Guy Genest a fait des études en lettres à l’Université Laval. Aujourd’hui, il enseigne la littérature au cégep de Limoilou. Cela fait beaucoup de mots et sans doute beaucoup de théorie littéraire dans lesquels a baigné cet auteur multidisciplinaire. C’est peut‑être pour cette raison qu’en lisant Bordel‑Station, j’ai eu l’impression d’être devant un canevas appliqué à la lettre. Je disais précédemment que c’était un roman d’initiation. Voilà. Point à la ligne. C’est bien, c’est divertissant, mais sans mauvais jeu de mots, on ne s’éloigne pas tellement des sentiers battus. J’aurais aimé un peu plus de fantaisie, plus de vulgarité typique au bordel, voire plus de sexe… Bordel‑Station aurait fait scandale au XIXe siècle. En 2011, il semble un peu dépassé.