Louise Fowley est l’âme d’un inséparable trio de jeunes venus au monde dans un lieu perdu, en Haute-Côte-Nord québécoise. Elle et ses deux amis Laurence Calvette et Marco Desfossés ne savent pas que des nuages sombres planent sur eux. Mais qu’espérer d’autre à Val Grégoire ?
Val Grégoire, ville fictive faut-il préciser, est située à une centaine de kilomètres au nord de Forestville, à laquelle elle est rattachée par « un long tunnel d’épinettes noires ». Il règne dans cette ville fondée par un ancien curé devenu maire (en même temps que despote) une atmosphère déprimante, chargée d’amertume et de malheur. Une atmosphère de laquelle les Valgrégois tiennent pour quasi impossible de s’affranchir. Et pourtant, c’est précisément ce dont rêvent intensément Louise, Laurence et Marco, les membres du « trio magnifique », qui ont pris l’habitude de se retrouver au parc des Sages. Mais ils ont oublié qu’on n’échappe pas si aisément à l’attraction funeste de Val Grégoire. On peut tout juste espérer que survienne, un jour, un événement rédempteur qui rapprochera les Valgrégois les uns des autres et les tirera de leur solitude, de leur profonde amertume et de leur individualisme exacerbé.
Dans son roman s’apparentant à un conte, Nicolas Delisle-L’Heureux met habilement en scène un univers lugubre et oppressant. Dans le Val Grégoire qu’il a imaginé, même une jeune fille comme Louise, inoffensive, rêvant de liberté et semant partout derrière elle les dessins de fleurs, se voit affublée par ses concitoyens du surnom peu flatteur de « La Petite Sale ». Une Petite Sale dont la disparition soudaine marquera pourtant un tournant dans l’histoire de la ville.
L’univers qui nous est présenté est sinistre, certes, mais il ne faut pas croire qu’il en est de même de la prose de l’auteur. C’est tout le contraire : la langue savoureuse et peaufinée qu’il utilise est empreinte d’humour, souvent sarcastique et même cynique. Il se révèle également maître de la métaphore, qu’il manie avec le doigté d’un romancier d’expérience, bien qu’il en soit seulement à son deuxième ouvrage. En voici un exemple éloquent : « [À] Val Grégoire, la grande majorité des âmes sont désormais corrodées et elles s’égrènent comme de la poudre de rouille dès qu’un petit vent se lève ».
Bref, nous sommes ici en présence d’un remarquable roman et d’un auteur qui va certainement laisser sa marque.