Le conte, qui s’avère d’abord une pratique de la tradition orale, se retrouve avec bonheur dans ces pages avec ses mots choisis et ses images percutantes qui évoquent la migration, les épreuves, la rencontre de l’autre et la liberté. Une version audio, disponible en ligne, accompagne ce livre balado.
Le livre se compose de quatre histoires contemporaines, dont celle d’Assam, « celui qui part », fuyant la guerre qui a atteint son coin de pays, et qui n’apporte avec lui que la « théière mémoire », dont l’intérieur est tout noirci d’avoir servi tant de thé au village ; suit l’histoire de la coureuse, Talaria, « celle qui traverse » des chemins incertains, bravant les dangers et les préjugés pour réaliser son impossible rêve ; puis le conte à propos de « celle qui vient », Dina, désireuse de passer le flambeau à l’autre venu d’ailleurs, elle qui fut jadis réceptive à la bienveillance d’une inconnue est à présent prête à parfaire sa formation pour participer pleinement à sa société d’accueil ; le quatrième conte nous emmène chez un vieil homme, « celui qui reste », maintenant privé de soleil depuis que la forêt, au centre de laquelle ses ancêtres ont construit la maison qu’il habite toujours, est devenue progressivement une forêt de tours. Il a dû ranger sa chaise longue, lorsque le dernier carré de soleil a disparu de sa cour, pour s’enfermer dans le silence de sa maison.
Un message d’espoir clôt le livre avec le très beau poème « Tu fleuriras partout où tu seras porté », que la conteuse a d’abord écrit en créole, puis librement traduit en français et dont le titre, nous dit-elle, s’inspire de la devise de son pays d’origine, l’île de la Réunion : Florebo quocunque ferar. Mafane vit en Outaouais depuis plus d’une dizaine d’années. La migrante, qui dit avoir trouvé dans le conte un remède au mal du pays, fait partie du Regroupement du conte au Québec (RCQ) et participe à l’essor de cet art de la parole en donnant des spectacles à des publics de tous âges.
La ruée vers l’autre séduit par la fraîcheur de son ton, sa contemporanéité et son universalité. Sa publication nous rappelle que le conte n’est pas que genre du passé.