Pour beaucoup de gens, le socialisme se résume aux goulags sibériens, aux purges staliniennes et à la propagande d’État. C’est une espèce de croquemitaine dont on menace les égarés pris d’un penchant suspect pour l’égalité de fait.
Professeure à l’Université de Pennsylvanie, Kristen Ghodsee somme quant à elle de mettre les cris d’orfraie sur pause le temps de tirer quelques leçons des expériences passées du socialisme d’État.
Tout n’était pas si mauvais, en fait, rectifie la spécialiste d’études russes et est-européennes. À tout prendre, le socialisme représenterait d’ailleurs pour les femmes un bien meilleur parti que le capitalisme. En appui à cette thèse, parue originellement dans une contribution au New York Times, Ghodsee passe en revue plusieurs aspects de la lutte féministe et les soumet au test de la comparaison. Chaque fois, l’issue de cet examen verse à l’avantage du socialisme d’État.
Par exemple, tandis que les Américaines retournent au bercail après le déploiement de l’effort de guerre, les pays de l’Est misent sur la formation de leurs citoyennes, doublant ainsi leurs forces manuelles et intellectuelles. Au début des années 1960, pendant que Valentina Terechkova explore l’espace, une commission dirigée par Eleanor Roosevelt conclut à la discrimination juridique et culturelle des femmes américaines.
Si leur salaire est généralement inférieur à celui des hommes, et qu’elles doivent souvent jongler avec la double charge du travail domestique et professionnel, les travailleuses du bloc de l’Est contribuent néanmoins à leur retraite et bénéficient d’une couverture de soins de santé. Surtout, elles conservent leur indépendance.
De là cette proposition coiffant l’essai : si les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme, c’est en vertu de cette théorie économique du sexe voulant que la sexualité et l’amour, en régime capitaliste, soient soumis au même éthos transactionnel qu’un bien meuble. À l’inverse, économiquement indépendantes, les femmes sous le socialisme adoptent une sexualité plus égalitaire, ancrée dans l’amour et l’affection mutuelle.
L’anthropologue dit avoir conçu ce charmant plaidoyer en faveur de l’égalité économique comme un moyen d’expliquer les vertus du socialisme aux représentantes de la génération Z et aux millénariales. Parce que le capitalisme, lui, est aux femmes ce que les ITS sont au sexe.