On retrouve dans cette saga la famille Roussel qui domine la vie économique et sociale de Montpellier, au Nouveau-Brunswick. Cette ville imaginaire semble inspirée par Moncton et Edmundston. Le tome 1, La naissance d’une dynastie (2018), s’ouvrait avec la fondation du journal L’Averti en 1854 pour se terminer au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le tome 2 commence en 1920 pour se terminer en 1948.
Comme le veut le genre, les péripéties sont nombreuses, tout comme les rebondissements. Au centre du récit, Preston Roussel et sa famille, en particulier ses filles Joséphine, Charlotte, Marie-Ange et Olivia, sa sœur Clémence, épouse d’Arthur La Croix, et une cousine, Maude, dont il est épris depuis longtemps même s’il est marié avec Victoria.
Preston dirige les multiples entreprises familiales (usine de pâte et papier, centrale électrique et de nombreux journaux), Maude et Charlotte assument la responsabilité de L’Averti, le principal quotidien de la compagnie, Joséphine a fait son droit et espère qu’un jour la loi québécoise lui permettra d’être avocate plutôt qu’assistante (ce qui arrivera) et Marie-Ange se dirigera vers l’aide humanitaire après avoir été sur le front comme infirmière. Autant d’intérêts qui alimentent l’univers des personnages et autour desquels se greffent de multiples intrigues dont plusieurs se développeront autour de la Deuxième Guerre mondiale.
Les journaux des Roussel (français et anglais) défendent des valeurs socio-démocratiques, prenant position sur les sujets de l’heure : l’égalité des sexes, la langue française (qu’il faut défendre contre l’assimilation), l’immigration, l’antisémitisme, la guerre et ses conséquences, la conscription, la montée de l’anticommunisme. Tous ces sujets sont repris par les personnages. Toutefois, tout n’est pas rose au sein de cette famille qui devra faire face à plusieurs drames.
Les 39 chapitres sont structurés identiquement : un personnage vit une situation qui débouchera sur une question ou un événement qui sera repris par un autre personnage dans un autre lieu qui, à son tour, continuera ou commentera ce qui s’est passé, ce qui l’entraînera vers autre chose. La chaîne cesse à la fin de chaque chapitre. Cette structure très efficace relance l’intérêt en tissant des liens entre les préoccupations des personnages et leurs actions.
Demeure l’humanité des personnages, bons ou méchants (car il y en a). La détermination de Joséphine, la volonté de Charlotte, la passion de Maude (pour le journal et pour Preston), la générosité de Marie-Ange, la douceur de Clémence, la froideur d’Olivia et la prestance de Preston dynamisent le récit qui s’enrichit de nombreux personnages secondaires, eux aussi bien développés.
Comme ce fut le cas pour La naissance d’une dynastie, La force du destin est animé par une plume classique qui sait approfondir les personnages et décrire aussi bien les états d’âme que les décors, les physionomies et les lieux. Maintenir l’intérêt d’une saga est un défi et Vanessa Léger a su le relever.