Le titre fortuit de ce livre substantiel – reprenant une déclaration de l’humoriste Coluche – s’apparente à une anthologie de citations, pas toutes célèbres, mais plutôt subversives et souvent profondes, glanées durant toute une vie par un observateur critique de notre société.
On imagine très bien Jean-Pierre Boyer lisant Marx, Edgar Morin, ou tout autre écrivain pour recopier tel passage ou telle formule parvenant à encapsuler toute une idée en seulement quelques mots bien choisis. La capacité d’une phrase à bien synthétiser un problème peut la fortifier, la rendre plus dense et plus percutante. C’est le secret des grands tribuns et de certains politiciens pouvant s’appuyer sur des rédacteurs habiles.
On découvre ici 12 923 citations qui font réfléchir, classées alphabétiquement selon les thèmes. Parmi les perles recueillies par Jean-Pierre Boyer, retenons, au hasard, cette pensée du romancier Milan Kundera : « La culture, c’est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre ». Pour Pierre Bourgault, « L’histoire n’appartient pas seulement au passé. L’histoire est une affaire de tous les jours. L’histoire appartient à ceux qui veulent la faire ». Plus loin, on retrouve cette déclaration inspirante, « Un peuple qui n’enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité », ici attribuée au président François Mitterrand. La section sur le pays, imaginaire ou à venir, est la plus originale ; on y trouve cet extrait de Maria Chapdelaine, roman de Louis Hémon, qui résumerait à lui seul la nation québécoise : « Nous sommes venus, il y a trois cents ans, et nous sommes restés ». L’épilogue de Jean-Pierre Boyer réaffirme l’importance de l’histoire des idées et des synthèses de ce genre, car il n’existe pas vraiment de tradition encyclopédique au Québec comme c’est le cas pour la France ou l’Angleterre, par exemple…
Quelques inexactitudes subsistent : ainsi, l’expression « Nul n’est prophète en son pays » est introduite comme un « proverbe français » ; mais rendons à César ce qui est à César, cette phrase est en fait attribuée à Jésus et apparaissait déjà dans les évangiles de Luc et Matthieu.
À l’évidence, C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison ! est un livre indispensable pour les bibliothèques publiques, mais aussi pour les gens qui possèdent peu de livres, car il constitue une invitation à la réflexion et à la découverte. C’est comme un condensé de lectures que l’on pourrait faire dans le désordre. On peut lui reprocher son titre, percutant, mais qui n’indique pas clairement qu’il s’agit d’un dictionnaire, ou du moins d’un ouvrage de référence digne de figurer aux côtés de n’importe quel dictionnaire de citations.