Si l’Islande est aujourd’hui connue et reconnue de tous, ses romanciers ne le sont guère, sauf bien entendu quelques auteurs de romans policiers, dont le grand Arnaldur Indriðason. À Chicoutimi, une maison d’édition a pris le pari de traduire le premier roman de Dagur Hjartarson, une valeur montante.Né en 1986, l’écrivain islandais Dagur Hjartarson a remporté plusieurs prix nationaux de poésie ainsi qu’une bourse d’aide à la publication de l’Icelandic Literature Center. En 2016, il publie La dernière déclaration d’amour, une première œuvre de fiction écrite pendant sa maîtrise en création littéraire et qui a fait partie de la courte liste du prix de littérature de l’Union européenne (European Union Prize for Literature, EUPL).Dans les années 2000, un personnage sans nom – le narrateur – s’installe à Reykjavik, qui connaît alors une crise économique sans précédent. Il y rencontre celle qui deviendra son amoureuse, la lumineuse Kristin, et un ami d’enfance un peu louche, Trausti, artiste et anarchiste. Bien malgré lui, un quatrième personnage s’invite dans cette histoire plutôt classique avant de devenir bizarre, soit le vrai Davið Oddsson, antihéros et tête de Turc du récit. D’abord maire de la capitale islandaise, puis premier ministre et ensuite gouverneur de la Banque centrale du pays, il sera tenu responsable de l’effondrement du système bancaire en 2008. L’Islande devra faire appel au Fonds monétaire international, et la terrible crise économique s’étendra jusqu’en 2011.Tout en assistant son ami Trausti dans la réalisation de l’un de ses projets les plus loufoques, le narrateur découvrira que si intense soit-il, l’amour est bien fugace et le bonheur, fragile. Aider à sculpter le symbole du capitalisme que représente Davið Oddsson – une statue grandeur nature, rien de moins – est sans doute un acte libérateur, mais l’entreprise demeure risquée. « On ne peut pas être libre dans une société qui mesure la liberté avec de l’argent et laisse à l’argent toute liberté », disent sagement les deux compères, tout en travaillant d’arrache-pied à leur œuvre.Le verbe de Hjartarson est élégant et rafraîchissant, chacune des phrases est un petit poème : « Deux poings gros comme des cœurs serrés autour de la même hâte » ; « Sans elle, mes jours étaient un portefeuille sans billets. Quand je jetais un coup d’œil par la fenêtre le matin, je regardais dans le vide de ce portefeuille ». Le ton est juste, parfois mélancolique et joyeusement ironique : « Reykjavik est une ville de choix pour qui veut s’habituer au froid qui nous embrassera après la mort. Il n’y a pas grand-chose à trouver ici ».Discours amoureux, quête existentielle, réflexion sur la création artistique et engagement politique, tout y est, y compris un humour acidulé qui ne gâte rien, au contraire. Un court roman qui déride et attendrit.
LA DERNIÈRE DÉCLARATION D’AMOUR
- La Peuplade,
- 2019,
- Saguenay
320 pages
25,95 $
Trad. de l’islandais par Jean-Christophe Salaün
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