La couverture est invitante. Un arbre coupé à la base du tronc, suspendu sur fond de ciel d’un bleu profond, illustrant le sens métaphorique du titre Partir. Métaphore de la mort.« Lorsque d’où l’on vient s’en va […] », dira le poète dans le récit « Le lien », « [t]out s’entremêle, s’entrechoque, en un ballet étrange ». Restent les souvenirs, ceux d’un fils que le père avait plaisamment suggéré de prénommer Ogino… Il n’en fut pas moins aimé pour autant, si l’on se fie aux récits de cette première partie, tirés de souvenirs de l’enfance, ce point de départ par excellence dans la vie. Maman rassurant le garçonnet qui imagine des dragons et des loups dans le noir. Maman qui sert la soupe à midi au retour de l’école, au son de l’indicatif musical des Joyeux Troubadours, souvenir partagé par plus d’une génération de Québécois. Maman, fière d’avoir réalisé son projet, quoique mère de six enfants, qui se met belle pour aller chercher son diplôme d’infirmière auxiliaire. Et aussi, maman, la femme branchée, réduite au silence dans « Le lien », cœur du recueil. Le lien qui se rompt par une nuit de février, alors que surgissent chez le narrateur « les bribes de phrases non dites qui auraient dû l’être ». Ce récit se distingue entre autres par son souffle plus intime porté par des débuts de paragraphes anaphoriques, et par une cascade de phrases nominales courtes porteuses d’émotion.Quant à la deuxième partie, sous-titrée « La solitude », plus courte que la précédente, elle réunit des récits relatant des faits d’un passé moins lointain. Voyages en solitaire pour mieux se retrouver et avoir tout le loisir d’observer l’Autre ; anecdotes du narrateur-père qui, réfléchissant à la solitude face à la mort, se souvient d’un temps fort avec chacun de ses deux enfants. Puis du narrateur-fils racontant avec tendresse et humour des séances de travail partagées avec son père, Honoré (Norré), rompu aux gros travaux. Le recueil se clôt sur une ode à la vie, car après avoir eu lui-même des ennuis de santé, après avoir perdu père, mère et deux sœurs, le narrateur rétabli voit différemment. Il lui semble mieux aimer la vie.Christian Lemieux-Fournier, d’abord connu comme auteur de littérature jeunesse (Héritage), puis de deux romans (Sémaphore), évoque dans Partir des souvenirs d’un monde qui nous est familier, souvenirs qui rejoignent l’expérience d’un grand nombre.
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